Dernières Infos

A Java, le volcan Lusi pourrait vomir sa boue pendant encore cent ans

Au guidon de sa Mobylette, Januari vient souvent rouler sur les ruines de son village. Jatirejo, une ville cimetière, ancienne cité ouvrière du nord-est de l’île de Java en Indonésie, que l’éruption du volcan Lusi en 2006 a ensevelie sous 8 mètres de boue. Jatirejo, d’où n’émergent que bouts de charpente et pinacles de mosquée.

Actif depuis le 29 mai 2006, le volcan ravage à petit feu la région industrielle et agricole de Sidoarjo. Chaque jour, il crache des tonnes de boue, d’eau et de gaz toxiques, au point qu’un lac visqueux s’est formé sur plus d’un millier d’hectares (cinq fois la superficie de Monaco). Pour freiner sa progression, des digues de terre ont été érigées, parfois fleuries, histoire d’égayer un décor de chaos

PERFORATION D’UN GISEMENT

Au pied de remparts sans cesse fortifiés, on traverse pourtant des villages fantômes. Douze ont déjà été rayés de la carte. Les 45 000 habitants ont tous fui les coulées de boue. « On a été évacués dans un camp tout proche. On vit dans l’angoisse de la boue. Trois ans après, on attend toujours le remboursement de nos maisons détruites », raconte Fitria.

La plupart des victimes rendent la compagnie pétrolière indonésienne Lapindo-Brantas responsable de leurs malheurs. Deux jours avant l’éruption, elle menait sur les lieux un forage exploratoire de gaz. La perforation d’un gisement d’eau sous pression, à 3 kilomètres de profondeur, aurait fracturé les roches. Des fissures sont remontées en surface jusqu’à faire jaillir un geyser bouillonnant d’eau, d’argile et de gaz. « Il est impossible qu’un forage ait pu produire un tel phénomène ,explique-t-on à Lapindo. Nous sommes ici sur une faille. Un séisme a pu provoquer cette catastrophe. »

Tous les scientifiques ne partagent pas cette thèse. « L’épicentre du séisme était trop éloigné et sa magnitude trop faible pour avoir un tel impact », nous confie l’Américain Michael Manga, chercheur à l’université de Berkeley en Californie. Ses prévisions sur la durée de l’éruption ne sont guère optimistes : « Au mieux, entre dix et cent ans. Cela va dépendre des pressions et des concentrations en eau et en gaz dans le sous-sol », explique-t-il.

Devant l’énigme Lusi, les autorités ont bien tenté de stopper l’éruption : comme obstruer la cheminée du cratère avec un chapelet de boules en béton. Sans succès. Face à la menace omniprésente d’inondations, la boue est pompée, traitée, puis évacuée par pipeline vers le fleuve Porong. Tout l’écosystème, jusqu’à la mer de Java, s’en trouve bouleversé. Au grand désespoir des éleveurs de poissons et de crevettes, confrontés à une pollution des eaux. « On a 70 % de production en moins, déplore Saiful Bakhri, patron d’une coopérative. Avant, il y avait 25 éleveurs, il n’y en a plus que 3. Les autorités doivent stopper ces rejets . »

Signe de l’intense activité du sous-sol de Sidoarjo, un deuxième cratère de boue vient de se former, non loin du volcan Lusi. Une réplique qui ne surprend pas les chercheurs. Selon Andang Bachtiar, de l’Association des géologues indonésiens, « un phénomène identique s’est produit dans cette zone entre dix mille ans et un million d’années ».
Arnaud Guiguitant

source : http://www.wmaker.net/

(296)

Laissez un message