Il y a 900 000 ans, l’humanité a failli disparaître
Des scientifiques assurent que les ancêtres de l’homme moderne ont connu un déclin à ce point radical que leur survie a été fortement menacée il y a 900 000 ans. Leurs résultats, publiés jeudi par la revue Science, reposent sur une nouvelle méthode d’analyse génétique qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Deux époques, deux problèmes diamétralement opposés. Si aujourd’hui l’humanité se pose la question de la surpopulation du haut de ses 8 milliards de représentants, nos très lointains grands-parents auraient vu de très près leur extinction, comme une vulgaire espèce en voie de disparition.
Il y a environ 900 000 années, les ancêtres de l’Homo sapiens sont passés assez brutalement d’environ 100 000 individus à peine plus de 1000, affirme une équipe internationale de scientifiques dans une étude publiée jeudi 31 août par la revue Science.
Rien que 1280 individus en âge de procréer
Ce « goulot d’étranglement » de l’humanité aurait perduré une centaine de milliers d’années, durant lesquelles la survie de notre espèce semble n’avoir tenue qu’à un fil. « Ils ne sont pas les premiers à voir ce phénomène. Depuis une dizaine d’années, avec des méthodes plus anciennes, les scientifiques avaient constaté une baisse importante du nombre d’humains », note Céline Bon, spécialiste de paléogénétique au CNRS et rattachée au Muséum national d’histoire naturelle.
La nouvelle étude apporte surtout un niveau de précision inédit. Dans les précédents travaux, ce fameux « goulot d’étranglement » pouvait s’être produit n’importe quand entre il y a 100 000 et un million d’années. L’équipe de scientifiques apporte en réalité une estimation beaucoup plus précise que le « millier » d’individus annoncé dans le communiqué de presse : pour ces spécialistes, l’avenir de l’humanité a alors reposé sur les épaules de 1280 individus en âge de procréer.
Un décompte extrêmement précis pour une population qui a vécu il y a aussi longtemps. C’est tout l’intérêt de cet article « qui exploite un grand nombre de données en utilisant une nouvelle méthode pour explorer très loin dans le passé », résume Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle.
C’est cette nouvelle méthode, baptisée FitCaol, qui fait la fierté de ces chercheurs. « Elle est complètement inédite et nous estimons qu’elle est précise à 95 % », assurent Fabio Di Vincenzo, anthropologue à l’université de Florence et Giorgio Manzi, paléontologue à l’université Sapienza de Rome, deux des auteurs de l’étude parue dans Science.
Ils ont sélectionné des échantillons de génome de 3 154 personnes vivant aujourd’hui dans une cinquantaine de groupes de population un peu partout dans le monde. Ils ont ensuite remonté la piste de ce bagage génétique à travers les âges pour estimer la taille des populations dont sont issues ces caractéristiques génétiques.
Pour ce faire, « il faut regarder la diversité génétique présente dans les populations où vivaient les ancêtres des individus sélectionnés. Plus la diversité génétique est faible, plus la population était de petite taille », résume Céline Bon.
C’est en comparant toutes les mutations génétiques que le nouvel algorithme des auteurs de l’étude est arrivé à la conclusion que le scénario le plus probable est un extraordinaire resserrement de population qui a bien failli priver la Terre d’Homo sapiens.
Ce qui ne tue pas rend plus fort
Pourtant, cet événement aurait joué un rôle majeur dans le développement des humains, notamment en accélérant l’évolution du cerveau. Ce goulot d’étranglement aurait également contribué à modeler notre génome en entraînant la fusion de deux chromosomes pour former le chromosome 2, spécifique aux hominines. En effet, alors que toutes les espèces d’hominidés vivants aujourd’hui (les grands singes) possèdent 24 paires de chromosomes, nous les humains n’en possédons que 23 ! C’est donc peut-être en se trouvant au seuil de l’extinction que nos lointains ancêtres auraient acquis cette spécificité qui fait de nous des Hommes.
Mais que s’est-il passé durant cette période difficile qui a failli faire disparaître toute notre lignée ?
Un changement climatique extrême fut probablement le principal facteur à l’origine de ce déclin radical. À peu près à la même époque, des glaciations ont provoqué de fortes variations de température, de graves sécheresses et l’extinction de la faune dont les ancêtres de l’humain dépendaient probablement pour se nourrir. En conséquence, la population s’est effondrée pour atteindre environ 1 200 individus. Selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), nos ancêtres auraient été classés entre les catégories « en danger » et « en danger critique d’extinction ».
Où ces individus ont-ils vécu pendant cette période difficile ? Comment ont-ils survécu aux changements climatiques catastrophiques ? La sélection naturelle au cours du goulot d’étranglement a-t-elle accéléré l’évolution du cerveau humain ? Il s’agit là de questions ouvertes qui pourraient trouver une réponse au fur et à mesure que les scientifiques poursuivent leurs recherches et affinent leurs méthodes. Les connaissances sur ce qui s’est passé pendant la période de transition entre le Pléistocène inférieur et le Pléistocène moyen sont encore très lacunaires. En creusant davantage, les chercheurs espèrent découvrir d’autres pièces du puzzle que constituent les premiers ancêtres et l’évolution de l’humain.
sources : https://www.france24.com/ / https://www.futura-sciences.com/ / https://www.gurumed.org/
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