Les Emeutes de la Faim dans le monde II
Pour les pays dépendants des importations de blé et d’oléagineux, la guerre en Ukraine pourrait entrainer des pénuries ainsi qu’une envolée des prix dans un futur très proche.
L’Ukraine est en effet l’un des greniers à blé du monde. Le pays possède la plus grande surface agricole européenne et produit 80 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux par an dont plus de 65% sont exportées. Certains pays, notamment au Maghreb et au Proche-Orient dépendent fortement des exportations ukrainiennes pour alimenter leurs populations.
Déjà sous tension suite à la pandémie de COVID-19 et à divers aléas climatiques, les marchés agricoles s’affolent, le blé frôle les 400 euros la tonne. Mais derrière les courbes et les cotations, ce sont des centaines de millions de personnes qui vont rapidement se retrouver en situation d’insécurité alimentaire, à commencer par les Ukrainiens. Au plus fort de la crise alimentaire mondiale de 2008, le blé avait atteint 300 euros la tonne. La situation est donc particulièrement critique.
L’ensemble des usages non alimentaires des produits agricoles comestibles, notamment les biocarburants, doivent être suspendus. La production de ces derniers consomme 2.6 millions de tonnes de blé, 6.5 millions de tonnes de maïs et 8.6 millions de tonnes d’huiles végétales. En outre, les stocks de céréales occidentaux représentent plus de 100 millions de tonnes de céréales. L’Union européenne doit, avec ses partenaires internationaux, évaluer et mobiliser ces stocks publics et privés pour atténuer l’augmentation des cours.
La géopolitique et les enjeux de puissance ont fait un retour fracassant dans le débat public. Mais à l’heure où les activités humaines sont devenues une force géologique bouleversant le système Terre, les recettes du siècle passé sont vouées à l’échec.
Quels pays pourraient être les plus durement touchés ?
Le chef de l’ONU précise qu’au total, « 45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie – 18 de ces pays en importent au moins 50%. Cela comprend des pays comme le Burkina Faso, l’Egypte, la République démocratique du Congo, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen ».
Les États les plus exposés sont ainsi « les plus dépendants et en même temps les moins solvables », comme l’explique Pierre Blanc, également auteur du livre « Terres, pouvoirs et conflits : une agro-histoire du monde ». D’après le professeur, « eu égard à leur aridité, et à leurs habitudes alimentaires où le blé est central, les pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient sont de loin les plus exposés. » Cependant, « la situation n’est pas la même entre d’une part des pays comme l’Egypte, la Tunisie, le Liban et le Yémen par exemple, et les pays du Golfe. Dans les premiers, la situation économique souvent très délétère, menace l’accès des populations aux produits de base. Dans les seconds, la capacité rentière permet de pouvoir s’acquitter de factures plus importantes. »
Concernant l’Afrique subsaharienne, certains pays sont menacés aussi, « ne serait-ce que parce qu’ils sont alimentés par ces greniers ». D’après Pierre Blanc, « là encore, il s’agit de ceux qui sont le plus dépendants mais aussi les plus pauvres. Citons entre autres l’Erythrée, l’Ethiopie, le Libéria, le Soudan, la RDC. Mais la liste est bien plus longue. » Le professeur s’interroge d’ailleurs « sur le lien entre le vote de certains pays (que ce soit l’abstention ou l’opposition) à la résolution onusienne contre l’intervention russe et leur dépendance au blé russe. C’est bien sûr plus complexe mais on ne peut pas ne pas y penser. »
En Somalie par exemple, la situation est déjà « grave et se détériore rapidement », alertait la semaine dernière le coordinateur humanitaire de l’ONU dans le pays. En février, 4,5 millions de Somaliens étaient affectés par la sécheresse, contre 3,2 millions en décembre et 671 000 personnes avaient dû quitter leur foyer en quête d’eau, de nourriture ou de pâturages pour leur bétail, soit deux fois plus qu’en décembre.
Autre exemple, au Yémen, où la guerre oppose depuis 2014 les Houthis, soutenus par l’Iran, aux forces gouvernementales, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite. Selon l’ONU, la guerre a fait près de 380 000 morts, dont une grande majorité en raison des conséquences indirectes des combats, comme le manque d’eau potable, la faim et les maladies. Le Soudan du Sud est, lui, miné par les conflits, les calamités climatiques et l’inflation. Le 11 mars, le Programme Alimentaire Mondial prévenait que plus de 70% de la population sera confrontée à une faim extrême cette année et pourrait ainsi connaître « sa pire crise alimentaire ».

Graphique montrant les pays dont la part des exportations de blé provenant de Russie et/ou d’Ukraine dépasse les 50%, en 2021, d’après les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). © AFP
Sources : https://www.latribune.fr/ / https://www.franceinter.fr/
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