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Les abeilles à bout de souffle

C’est un drame qui menace la planète entière : le déclin des abeilles est avéré, qu’elles soient élevées dans des ruches ou sauvages et solitaires. La faute à la pollution, au climat, aux virus, au frelon d’Asie et surtout aux pesticides qui déciment des colonies entières. Les apiculteurs font tout pour les protéger, renouveler leur cheptel. En vain. Face à la puissance des lobbys industriels, l’Etat et l’Anses se montrent étrangement apathiques. Comme contaminés eux-mêmes par les neurotoxiques.

En ce matin brumeux de décembre, le ciel pâle est ponctué de nuages jaunes et roses. Des gouttes d’eau ont gelé sur les brins d’herbe entourant la dizaine de ruches qui trônent dans le jardin de Ludovic Fauvel, 48 ans, apiculteur à Saint-Jean-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine). « Je garde ces jeunes colonies d’abeilles fragiles près de moi pour veiller sur elles », explique Ludovic, propriétaire de 650 ruches avec son associé et beau-frère Pierre-Yves Pannetier. Les abeilles sortent peu de leur nid en hiver.

A la fin de la saison, Ludovic, Pierre-Yves et tous les apiculteurs français constatent un taux de mortalité de 20 à 30 % dans leur cheptel. Ce déclin de l’abeille mellifère (productrice de miel) a commencé, en France, dans le milieu des années 1990. « Quand j’étais petit, papa avait des ruches dans sa ferme et il n’y avait pas une telle tension au niveau du renouvellement, il ne se souciait pas de l’élevage, se rappelle Ludovic, regard azur et barbe fournie. L’abeille s’est toujours adaptée aux changements, mais on lui impose un tel rythme qu’elle ne suit plus. » Ludovic se souvient des haies, des étendues sauvages qui bordaient l’exploitation de son père. « Désormais, il y a moins de zones naturelles. Il y a aussi plus de virus, de parasites comme le varroa. Par ailleurs, les nouvelles cultures céréalières sont traitées avec des pesticides, des fongicides. L’équilibre n’est plus le même », regrette l’apiculteur. Pour compenser leurs 250 colonies perdues chaque hiver, Ludovic et Pierre-Yves achètent 200 reines par an à un éleveur. Ce matin – l’horreur !… – Ludovic a identifié un nid de frelons asiatiques dans son jardin.

Ce prédateur redoutable sévit en France depuis 2004 ; il se nourrit d’abeilles et peut décimer des colonies entières. Un problème de plus qui s’ajoute à la longue liste des dangers pour ses butineuses.

Une menace pour toute la planète
Cette diminution des colonies menace toute la planète puisque les abeilles butineuses pollinisent 80 % des plantes à fleurs. Ce sont elles qui permettent la reproduction botanique et la culture de nombreux fruits et légumes, comme la courgette ou la pomme. La valeur économique de l’activité des pollinisateurs (abeilles domestiques et sauvages, bourdons, papillons, mouches…) a été estimée par l’Inra à 153 milliards d’euros. C’est plus que le budget annuel de l’éducation en France !

Dans leur laboratoire d’Avignon, les scientifiques de l’Inra travaillent chaque jour à l’identification des causes de mortalité des 1 000 espèces françaises. Ils ont étudié pendant plusieurs mois le comportement des abeilles mellifères grâce à des minipuces électroniques installées sur leur thorax. Les chercheurs ont alors observé plus d’un millier de butineuses en milieu naturel, exposées à des insecticides de type néonicotinoïdes, des substances chimiques neurotoxiques. Les résultats publiés en 2012 et 2015 ont conclu que plus les abeilles sont exposées à des néonicotinoïdes dans les champs autour de leur ruche (en l’occurrence deux substances commercialisées par Syngenta à base de thiaméthoxame), plus leur espérance de vie est courte. « Soit les abeilles meurent sur place dans les champs traités, soit elles ramènent ces molécules dans leur nourriture, provoquant l’intoxication de la colonie. On a retrouvé une dizaine de pesticides différents dans le pollen d’une ruche ! » précise Yves Le Conte.

« Les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave ! »

A travers ses recherches, Jean-Marc Bonmatin a montré que l’exposition réitérée à de très faibles doses de néonicotinoïdes et de phénylpyrazoles (une autre famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes) entraînait des effets létaux et sublétaux tout aussi graves sur la reproduction. Les chercheurs de l’Inra et du CNRS ont également démontré la rémanence des néonicotinoïdes dans l’environnement, menant à une pollution des sols. « De ce fait, les invertébrés terrestres et aquatiques sont touchés en cascade, comme tous les écosystèmes alentour, c’est très grave ! » s’alarme Jean-Marc Bonmatin.

extrait, suite et source : http://www.parismatch.com/

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