Cinquante degrés au dessous de zéro
Vous trouvez qu’il ne fait pas chaud ?
Ça n’est rien comparé à la vague de froid qui s’est abattue sur une bonne partie de notre planète. On comptabilise déjà des milliers de morts.
Les températures sont tellement basses que les experts évoquent une nouvelle ère glaciaire.
Non, vous n’avez pas raté une info, vous n’avez tout simplement pas encore lu 50° au-dessous de zéro. L’ouvrage en question est le deuxième volet de la trilogie de Kim Stanley Robinson consacré au changement climatique. Après s’être intéressé à la conquête de Mars (en trois tomes également), l’auteur américain de science-fiction a décidé de ficeler une fiction scientifique sur ce qui risque bien de nous arriver, dans un futur plus ou moins proche.
Des pluies diluviennes ont submergé Washington. Peu à peu, les eaux se retirent, mais les inondations ont eu des conséquences effroyables… Beaucoup de logements sont devenus inhabitables, les sans-abri sont légion. Et les catastrophes s’enchaînent : la montée des eaux océaniques raye de la carte les nations insulaires, et les Etats-Unis sont frappés par une vague de froid qui fait craindre au gouvernement le début d’une nouvelle ère glaciaire. Au sein de la Fondation nationale polir la science, Frank Vanderwal doit agir. Vite. Il y va de la survie de la planète. Mais les enjeux de la science ne sont pas toujours ceux des politiques…
Dans le premier opus, Les Quarante signes de la pluie, un véritable déluge noyait une bonne partie de Washington. Dans le 2e tome, la capitale américaine peine donc à se reconstruire quand l’été suffocant, quasi tropical, fait place à un hiver particulièrement rigoureux. On retrouve les personnages créés par KSR : Franck Vanderwal, le scientifique qui tente de trouver une solution à la disparition du Gulf Stream ; Charlie Quibler, le conseiller de Phil Chase, en course pour devenir le prochain président des Etats-Unis ; les Khembalais, ces réfugiés climatiques dont l’archipel, au large de l’Inde, disparaît sous la montée des eaux… Chacun, à son niveau, tente d’inverser la tendance apparemment irréversible du dérèglement climatique.
Magouilles présidentielles
Si le roman est truffé ici et là de scènes d’action ou de passages spectaculaires, sa force tient surtout à la description précise, étayée, d’un avenir probable. L’enchaînement des faits est d’autant plus implacable qu’il est réaliste : les alertes qui se multiplient, les initiatives qui se heurtent à l’opposition des lobbies, les catastrophes, l’urgence des secours…
Trop peu, trop tard. On apprend beaucoup de choses sur le fonctionnement des organismes de recherche et de l’administration américaine. Le tout, sur fond de magouilles électorales alors que l’écologie fait irruption au cœur de l’élection présidentielle. Cela rappelle bien des choses, des deux côtés de l’Atlantique.
Mine de rien, ce roman de S-F intelligente fait réfléchir sur la beauté du monde et notre incapacité à la préserver. Espérons qu’il ne soit pas en plus prophétique.
Résumons brièvement la situation.
Suite à un certain nombre d’alertes relevées par les climatologues [fonte de la banquise, modification de la circulation thermohaline, hausse du niveau des océans et phénomènes climatiques extraordinaires répétés], les responsables de la NSF [National Science Foundation – Organisme chargé de coordonner et de financer la recherche publique aux USA] sont sur la brèche. Washington vient de subir une exceptionnelle inondation et désormais les responsables politiques commencent à se préoccuper de la question du réchauffement climatique pour en faire le thème principal de la future campagne électorale.
C’est sur cet arrière-plan politique, finalement assez peu agité il faut bien l’avouer, que se greffe le parcours de la famille Quibler, dont le mari est conseiller environnemental auprès d’un sénateur démocrate, et dont la femme occupe un poste important à la NSF.
L’auteur nous invitait également à suivre les parcours croisés de Frank Vanderval, autre scientifique détaché auprès de la NSF, et de la délégation du Kembalung, micro-état insulaire dont les terres menacent d’être immergées par la montée des océans.
Honnêtement, si l’écriture était à la hauteur et les personnages assez bien campés, il ne se passait pas grand chose au pays de la NSF et dans les hauts lieux du pouvoir fédéral. Réaliste me direz-vous, car la science et la politique avancent lentement, à coup de réunions [voire de réunionite], de comités et de séances de jogging entre midi et deux. Oui, peut-être, mais pour les besoins d’un thriller écologique, c’est un peu léger.
Sans doute conscient de ces faiblesses, Kim Stanley ROBISON a changé son fusil d’épaule. Exit donc, ou presque, les gentils Quibler [qui faisaient un peu famille bisounours], que l’on continue de croiser dans ce second volume, mais à beaucoup moins souvent, puisque désormais c’est Frank Vanderval qui occupe le devant de la scène. Bon choix, puisqu’il s’agissait du personnage le plus intéressant du premier tome. Virage également côté narration puisque l’alternance des points de vue n’est désormais plus de mise, d’ailleurs ROBINSON appuie franchement sur le côté thriller, puisqu’il injecte bien davantage de suspense dans ce volume.
Frank Vanderval a donc rempilé une année supplémentaire à la NSF en tant que spécialiste en bio-informatique, en charge plus précisément de débusquer de nouveaux projets liés aux techniques de lutte contre le réchauffement climatique. Sauf que désormais, suite à l’inondation, ce dernier se retrouve SDF [mais avec tout de même une jolie paie] et décide de camper en plein milieu d’un parc de Washington, au milieu des sans-logis et des animaux exotiques échappés du zoo. Pour l’hygiène, Frank se contente des douches de son club de sport et pour la bouffe, c’est restau tous les soirs.
Le roman se déroule au rythme des pérégrinations de Frank, qui butine de manière assez libre au gré de ses envies et de ses besoins. C’est donc avec un peu de surprise que l’on découvre que Frank, qui apparaît somme toute comme une personne bien inoffensive, est l’objet d’une surveillance de la part des services de renseignements, surveillance dont on peine à comprendre les enjeux.
On est tout de même curieux de voir de quelle manière ROBINSON reliera les deux fils de son roman, car entre anticipation écologique et thriller politique, les liens ne sont pas forcément évidents ; ou alors trop et on espère que KSR nous dispensera du traditionnel « complot contre l’Amérique », forcément indigne du talent qui est le sien.
Sur le front du réchauffement climatique ça se précise. Côté océan arctique, la banquise a totalement fondu et désormais il est possible de se rendre au pôle nord à bord de son voilier de douze mètres [à condition de ne pas s’encastrer dans un iceberg géant à la dérive] ; même punition même tarif concernant les calottes polaires [Antarctique et Groenland], dont se détachent d’énormes blocs de glace, libérant quantité d’eau douce dans les océans et perturbant la circulation thermohaline. Conséquence, le gulf stream semble ralentir et menace de disparaître, provocant une vague de froid sans précédent en Europe de l’Ouest et sur la côte Est des Etats-Unis. Washington connaît ainsi un hiver sans précédent, frisant régulièrement les – 50°C. Autant vous dire, que dans sa cabane au milieu des bois, Frank Vanderval se les gèle gentiment malgré son équipement certifié « pôle nord proof ».
Autre conséquence du réchauffement climatique, cette fois moins paradoxale, le Kemballung dont les terre insulaires sont protégées par des polders [oui, comme aux Pays-Bas], est évacué en urgence en raison de la violence de la mousson et de l’élévation du niveau des océans. Ce qui oblige ses ressortissants à s’installer plus ou moins définitivement aux Etats-Unis. Une évolution significative de la situation, loin cependant du roman catastrophe que l’on aurait pu augurer, mais qui a aussi le mérite d’illustrer de manière pratique ce qui se passe en coulisse du côté des scientifiques et des politiques. Certes, la vision est essentiellement bureaucratique, volontairement d’ailleurs, mais elle donne un contrepoint tout à fait intéressant à un roman comme « AquaTM ».
sources : http://tf1.lci.fr / http://ww.scifi-universe.com/ / http://www.cafardcosmique.com/
Roman Américain de Kim Stanley Robinson
Titre Original : 50° below zero
Oeuvre associée : LES QUARANTE SIGNES DE LA PLUIE
Date de parution en France : 02 Novembre 2007
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