Petits Ages Glaciaires : des cycles de 2300 ans ?
Voici la synthèse d’un article paru en novembre 1999 dans « Pour la Science » intitulé : Les archives climatiques des lacs du Jura de Michel MAGNY.
(graph : Modélisation du refroidissement il y a 8200 ans
Renssen et al., detail) (www.atmosphere.mpg.de)
Instabilité climatique au cours des périodes glaciaires…
Les sondages GRIP et GISP2 effectués sur le site de Summit au Groenland avaient montrés une forte instabilité du climat tout au long de la dernière glaciation (-80000 à -10000) avec de brusque réchauffements suivis par un retour progressif à des conditions glaciaires qui perdurent pendant environ 1000 ans (événements de Dansgaard-Oeschger). A l’opposé, notre interglaciaire apparaissait comme beaucoup plus stable avec une étonnante uniformité de la température, excepté deux brefs épisodes de refroidissement plus marqués, le premier il y a 11200 ans (oscillation préboréale) et le second il y a 8200 ans (événement 8200). Dans cette stabilité générale, un refroidissement récent faisait exception : le Petit Age Glaciaire, entre 1500 et 1850…
…ainsi qu’au cours des interglaciaires
Pourtant cette stablilité contrastait avec les résultats obtenus en milieu continental par les paléoclimatologues, depuis les années 70. Leurs recherches s’appuient notamment sur l’analyse des sédiments qui se sont déposés dans les lacs post-glaciaires, en Scandinavie, dans la zone périalpine, ou dans le Jura. Les archives climatiques contenues dans ces cuvettes lacustres ne permettent pas de remonter aussi loin dans le temps que les carottes glaciaires et marines : 20 000 ans pour les lacs du Jura, contre 450 000 ans pour les glaces polaires. Toutefois la vitesse moyenne d’accumulation annuelle de sédiments y est particulièrement importante : un à deux mètres de dépôt par millénaire. Grâce à cette haute résolution chronologique, les géologues peuvent reconstituer dans le détail les oscillations du climat survenues depuis la dernière glaciation.
Ces oscillations ont entraînées des variations des niveaux lacustres, lesquelles sont enregistrées par des changements dans les types de sédiments accumulés au bord des lacs. Cette étude a révélé que les périodes de hausse des plans d’eau dans le Jura coïncidaient avec les phases de refroidissement, lesquelles sont marquées dans les Alpes par une avancée des glaciers et un abaissement de la limite forestière. Des chercheurs suisse et autrichien ont estimé que ces mouvements reflétaient des variations des températures moyennes estivales de l’ordre de 1,5 ° à 2°. Conséquence : refroidissements et réchauffements alternent tout au long de notre interglaciaire, et le Petit Age Glaciaire n’est pas exceptionnel. Même au cours de l’Holocène, le climat est loin d’être parfaitement stable.
Une dynamique atmosphère/océan…
Des recherches effectuées tout au long des années 90 vont montrer également des variations sensibles dans la circulation atmosphérique polaire, dans le taux de carbone 14 atmosphérique (périodicité de 1450 à 2300 ans), ainsi que l’existence de plusieurs débâcles d’icebergs provenant du Groenland et du Spitzberg (périodicité de 1470 ans). Ces débâcles montrent l’invasion d’eaux froides originaires des zones au nord de l’Islande jusqu’à la latitude de la Grande-Bretagne !
L’histoire du climat de nos régions, au cœur de l’Europe tempérée, apparaît ainsi étroitement déterminée par la dynamique d’un système où interagissent l’océan Atlantique Nord, la calotte glaciaire groenlandaise et la circulation atmosphérique polaire.
…révélée par les variations du taux de carbone 14 résiduel dans l’atmosphère
Une partie du carbone 14 contenu dans l’atmosphère se mêle aux eaux superficielles de l’océan. Il est entraîné ensuite au fond par les eaux qui plongent en mer de Norvège. Dans les abysses, le carbone 14 se désintègre alors en azote 14, et les eaux profondes s’appauvrissent peu à peu en carbone 14. Ainsi, lorsque la circulation thermohaline se renforce, elle accélère le retour en surface, dans le Pacifique, d’un plus grand volume d’eaux profondes déficientes en carbone 14, ce qui à terme, affaiblit la concentration atmosphérique en carbone 14. Et inversement, dans l’hypothèse d’un ralentissement de la circulation océanique (augmentation du taux de carbone 14 atmosphérique). Les sondages au Groenland et les analyse des sédiments du Jura révèlent que ce ralentissement est toujours lié à un refroidissement du climat en Europe.
En fait ce que les chercheurs mesurent c’est le taux de carbone 14 résiduel. Car la production de carbone 14 dans la haute atmosphère est modulée par le champ géomagnétique et par l’activité solaire : elle diminue quand l’intensité de ce champ et l’activité solaire se renforcent.
En soustrayant les effets induits par le champ géomagnétique, on obtient la courbe des variations de la teneur de l’atmosphère en carbone 14 résiduel.
Les étapes de la déglaciation jusque vers 5000 av J-C…
En se basant sur des mesures du carbone 14 atmosphérique effectuées sur des bois fossiles collectés en Amérique du Nord, en Europe et au large du Venezuela, les géologues ont prolongé cette courbe jusqu’aux environ de 12500 avant J-C. Partant de là, Michel MAGNY reconstitue les variations de la circulation océanique mondiale depuis plus de 14500 ans.
Il distingue ainsi deux périodes :
La première qui couvre les débuts de la déglaciation (Tardiglaciaire) jusque vers 5000 avant J-C, est caractérisée par de larges variations des valeurs du carbone 14, dont l’amplitude s’attenue peu à peu. Trois cycles du C14 résiduel (en bleu, rouge et vert sur le graphique) contemporain de la déglaciation ont une forme asymétrique. Ils correspondent à des épisodes brusques réchauffements suivis par de rapides refroidissements.
Les deux premiers cycles, de 12500 à 9500 av J-C, sont associés à plusieurs coups de froids : le Dryas moyen, le Dryas récent et l’oscillation préboréale, qui coïncident avec des ralentissements de la circulation thermohaline, survenus en moins d’un demi-siècle. Ils sont caractérisés par un climat aussi rigoureux qu’à l’époque glaciaire. A chaque fois ces coups de froids ont été les contrecoups directs d’épisode de la fonte accélérée des glaces, et du brusque afflux d’eau douce dans l’Atlantique Nord.
Le dernier cycle est associé à l’événement 8200, qui serait le contrecoup de la dernière étape de la déglaciation : elle marque la brutale disparition de la dernière partie de la calotte Nord-américaine autour de la baie d’Hudson, entraînant le brusque drainage d’énormes lacs postglaciaires (1,2.105 km3 d’eau douce) dans l’Atlantique Nord, il y a environ 8500 ans. On remarque qu’à chaque fois les contrecoups climatiques sont plus atténués, au fur et à mesure que les apports d’eaux douces d’origine européenne deviennent secondaires par rapport aux apports provenant d’Amérique du Nord et de l’Antarctique.
En définitive, le système climatique semble avoir répondu à la déglaciation par une série d’oscillations dont l’amplitude s’apaise au fur et à mesure. Vers -5000 la déglaciation achevée, le système climatique s’équilibre enfin.
L’existence de cycles de 2300 ans liés à l’activité solaire depuis 5000 av J-C
Commence ainsi la seconde partie de notre interglaciaire qui montre des variations d’une amplitude plus faible et plus régulière du C14 résiduel. Les oscillations climatiques étant désormais plus régulière et de moindre amplitude, avec des cycles d’une périodicité d’environ 2300 ans. Ces cycles pourraient être liés à des changements de l’activité solaire, comme le suggère l’observation d’étoiles du même type que le Soleil. Les effets de l’activité solaire sur le climat seraient amplifiés par la circulation océanique.
Conclusion personnelle
Je pense que nous sommes toujours soumis à ces cycles de 2300 ans que décrit Robert Magny, et que dans notre cycle actuel, rien n’empêcherait la survenu d’un coup de froid brutal lié à l’activité solaire, amplifié par un ralentissement consécutif de la circulation thermohaline (qui pourrait aussi être provoqué par la fonte d’une partie de la calotte groenlandaise, et de précipitations accrue au Nord de l’Europe). L’auteur évoque même la possibilité d’un refroidissement de même amplitude que l’événement 8200 (mais exclu complètement un événement tel que le Dryas récent).
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