La Révolution Verte US
Républicain ou démocrate, l’homme choisi par les Américains pour siéger à la tête de la nation la plus puissante du monde, mettra de toute façon un terme à la politique environnementale inexistante des années Bush.
Tous deux le martèlent haut et fort, et ils n’ont pas le choix. Après huit ans de cynisme affiché vis-à-vis des politiques environnementales, les deux futurs préposés à la Maison Blanche ont compris que le réchauffement climatique relevait d’une problématique internationale, à laquelle les Etats-Unis ne pouvaient se permettre de tourner le dos.
Que ce soit pour John McCain, prétendant républicain, ou Barack Obama le démocrate, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont dans le collimateur. Le premier souhaite diminuer celles-ci de 60% par rapport au niveau de 1990 d’ici 2050. Son rival affiche une volonté de les faire fondre de 80%. « Ils sont plus ambitieux que le président sortant, dont le refus de signer le protocole de Kyoto signifiait clairement que pour les Etats-Unis, l’environnement n’était pas du ressort de la politique », explique Olivier Delbard, docteur en études anglo-américaines et professeur à l’ESCP-EAP. Désireux de rattraper ce retard, les deux candidats au pouvoir fédéral se rejoignent sur la nécessité de fixer des normes d’efficacité pour les voitures, le développement des énergies renouvelables et la protection des parcs naturels.
Encore faut-il que le Congrès, « jaloux de l’indépendance américaine, approuve d’une part toutes les idées du président, et d’autre part, accepte de se lier à des traités internationaux », tempère Bernard Laponche, consultant international en politique énergétique. Un Congrès qui, via ses puissants lobbies pétroliers ou charbonniers, a refusé depuis les années 70 de ratifier une quarantaine de Conventions internationales sur l’environnement, « dont celle sur la biodiversité du Sommet de Rio, en 1992 », précise Olivier Delbard.
Derrière la forêt de belles intentions pointe le vert… du dollar. L’économie du pays reste l’argument majeur pour la création de nouvelles législations. Et le prochain président souhaite avant tout garder une mainmise sur les règles du jeu mondiales, dans l’espoir de toucher du doigt cette « indépendance énergétique, chère aux Américains », indique Olivier Delbard. S’il est favorable comme son rival à la mise aux enchères des quotas de CO2, Barack Obama réclame une transition immédiate vers ce marché, de façon à financer l’imposant plan de développement des énergies renouvelables. En 2025, grâce à 125 milliards de dollars, 25% de l’électricité américaine devrait être, selon lui, produit par le solaire, l’éolien, les très controversés agrocarburants à base d’éthanol, et le « charbon propre ». Les guillemets sont de rigueur. L’Illinois recèle d’importantes réserves de charbon, qui n’ont pas manqué d’inspirer son sénateur démocrate. Celui-ci affirme que les technologies de séquestration du CO2 se développeront au point de produire proprement le charbon. Or, ces dernières « en sont encore au stade de prototype », rappelle Bernard Laponche.
– « Les Américains ont de plus en plus une conscience environnementale » –
Une façon de ne pas gaspiller les réserves d’or noir américain, qui représente le quart des réserves mondiales. « La culture des Etats-Unis reste largement basée sur une logique de croissance, de dynamisme », explique Olivier Delbard. En pôle position de son programme environnemental, le sénateur républicain de l’Arizona place la construction de 45 centrales nucléaires d’ici à 2030. « Alors qu’il est libéral, il est prêt à faire intervenir l’Etat dans ce domaine, ce qui sera difficile en temps de crise », prévient Bernard Laponche. Toutes les ressources sont encore exploitables pour McCain. Y compris le pétrole offshore, et peut-être même celui de la réserve naturelle d’Alaska. Evoquant à peine l’efficacité énergétique, Obama assure que le marché du renouvelable permettra de fonder des Green Job Corps, soit 5 millions d’emplois verts. Un développement qui ne peut être efficace que si la consommation énergétique diminue. « Le danger de ces mesures », assure Bernard Laponche, « est qu’elles ne mettent pas assez l’accent sur l’économie d’énergie, et restent trop sur une logique de production ».
Précurseurs du mouvement écologiste dans les années 60, les Etats-Unis ont perdu progressivement toute initiative étatique verte. Mais au fond des chaumières, « les Américains prennent de plus en plus conscience qu’il faut changer leur mode de vie, économiser davantage, valoriser les déchets, etc. », décrit Olivier Delbard. Dans ce pays où se frôlent les extrêmes, naquirent les ONG Friends of the Earth, Wilderness Society, ainsi que pléthore de mouvements ultra-écolos, aussi bien au niveau des Etats que du réseau internet – comme le blog de journalistes environnementaux Grist. Difficile de rester indifférent face aux 14 000 kWh d’électricité consommés par habitant et par an au Texas, l’un des Etats les plus riches des US, contre 7 000 kWh en France.
Les initiatives se multiplient, mais Olivier Delbard admet que « le gouvernement fédéral des Etats-Unis n’est pas encore passé à une véritable prise de conscience environnementale, au contraire de la plupart des pays de l’Union européenne ». Le 4 novembre, quoi qu’il en soit, l’Amérique verte soufflera.
Par Diana Semaska.
source : http://www.eco-life.fr/
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