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La méthode scientifique pervertie

Les controverses autour des méthodes scientifiques mises en oeuvre par les instances dirigeantes du GIEC, organisme placé sous le contrôle de l’ONU, pour l’étude du changement climatique, ont inspiré à M. Xavier Driancourt, lui même docteur en statistiques et spécialiste de modélisation, des réflexions sur les perversions qui entachent le processus de création du savoir scientifique placé sous la contrainte politique et financière. Il est urgent de remettre en question les méthodes scientifiques de la fabrication du savoir dans les champs de la science qui engendrent des décisions politiques aux conséquences économiques et politiques très lourdes.

J’ai été chercheur durant quelques années dans le domaine du machine learning, (disons pour simplifier : statistiques appliquées), à l’occasion d’un doctorat puis une fonction d’ingénieur de recherche, dans une équipe universitaire puis une start-up toutes deux en pointe au niveau mondial.

Mon équipe de recherche universitaire, ma start-up, mes travaux ou ceux de mes proches collègues, ont été à l’origine d’évolutions importantes autour des années 1990. Un tiers des chèques traités aux USA le sont avec des machines qui incorporent les logiciels de lecture automatique mises au point avec nos logiciels de modélisation. Durant quelques semaines le record du monde de fiabilité de décodage acoustico-phonétique sur une base de donnée de référence les plus en vue au niveau mondial l’a été avec un logiciel mis au point par un doctorant sous ma conduite. Les meilleurs systèmes de prévision français de circulation autoroutière, d’affluence aux centres d’appels carte bleue, et autres prévisions commerciales l’ont été avec un logiciel de notre entreprise. Etc.

Plusieurs faits m’ont frappé dans l’organisation du monde scientifique contemporain, m’amenant à une réflexion générale sur l’évolution de la science. Cette réflexion m’a été salutaire lorsque je fus amené, en tant que citoyen, à observer le comportement du monde scientifique dans l’affaire du réchauffement climatique. J’ai porté en introduction de mon mémoire de doctorat plusieurs éléments de réflexion.

1- Au fondement de la méthode scientifique se trouve un principe fondateur : la vérifiabilité (ou son dual, la réfutabilité). Toute assertion scientifique doit être vérifiable (resp. réfutable), c’est à dire reproductible (resp. sans contre vérité) dans des conditions comparables. Un théorème doit pouvoir être démontrable et redémontré, une expérience de physique observable et réobservée, etc. La méthode de la relecture par les pairs qui est de règle dans les revues scientifique était à l’origine destinée à garantir la vérification. Or aujourd’hui la complexité des méthodologies scientifiques mises en place, le coût des matériels, et la multiplication frénétique des publications scientifiques (dont les 90% pourraient tout aussi bien être mises à la poubelle) souvent produites dans une course frénétique à la visibilité tous azimuts, font que les article se contentent de documenter la ligne générale de leur méthodologie et non leur méthodologie exacte, et les relectures se contentent de garantir la plausibilité des assertions, et non leur exactitude. Vérifier l’exactitude en ayant recours à la méthodologie exacte nécessiterait pour nombre de publications en physique, en statistiques appliquées, en sciences de la nature, en sciences humaines, des mois de travail et de couteux matériels. Or la relecture avant publication d’un article scientifique octroie en général quelques heures, tout au plus quelques demi-journées et aucun crédit de matériel. Ce qui était suffisant au 19ème siècle pour garantir l’exactitude ne garantit plus aujourd’hui que la plausibilité. En retour la méthode de la revue de plausibilité permet à des communautés entières de partager une culture souvent fertile avec une réactivité maximale.

2- La science se fragmente en d’innombrables spécialités aveugles les unes aux autres, chacune dotée d’une communauté internationale. Cela se justifie par l’immensité du champ scientifique et l’extension croissante de la sphère des connaissances humaines. Cela rend de plus en plus incontrôlable les coteries qui se cooptent de façon internationale pour se doter de la respectabilité apte à capter des capitaux publics ou privés, qu’elles soient nécessaires, pertinentes, ou tout simplement fumistes. De vieux chercheurs refusent de se recycler dans des thèmes réellement nouveaux et préfèrent radoter dans de vieux thèmes entièrement reformulés de façon à apparaitre superficiellement comme nouveaux. Des brevets doublons sont déposés sans que les experts nommés par les organismes publics d’octroi ne parviennent à déceler la fraude. Des fumistes ou des narcissiques vantent les mérites de méthodes rocambolesques qui depuis de nombreuses années échouent pitoyablement en dehors de leur contexte jouet. Des prétentieux ou des arrivistes affichent des résultats apparemment excellents, en réalité complètement pipés pour faire croire à une efficacité illusoire. En retour j’ai vu des résultats inattenduement positifs venir d’approches novatrices mêlant de façon originale des disciplines initialement hétérogènes.

3- Chaque communauté va développer ses propres acceptations. La plausibilité remplace l’exactitude. Au total des cercles de respectabilité se développent parfois sur du sable. En retour j’ai aussi vu des communautés d’une extrême compétence juger avec vigilance les apports véritables des nouveaux travaux.

4- Chaque communauté scientifique se défend de façon darwinienne face aux communautés trop proches pour être neutres, trop éloignées pour être amies. Les territoires de budgets et de respectabilité se gagnent par de véritable guerres tribales. La vérification de l’exactitude étant hors d’atteinte du décideur administratif ou financier, les budgets se gagnent sur des dialectiques de respectabilité elles-mêmes souvent fondées sur du sable. J’ai eu l’immense chance de travailler dans un domaine ou nos travaux se traduisaient, après plusieurs mois par des résultats expérimentaux substantiels, et après plusieurs années d’ingénierie applicative, par des résultats industriels concrets qui venaient prouver leur qualité. Malgré cela j’ai vu des fumistes, j’ai vu des arrivistes, qui parvenaient à maintenir durant des années les décideurs administratifs ou financiers dans l’illusion que leurs travaux étaient d’aussi bonne qualité, par exemple en travaillant sur des problèmes jouets et en affichant des taux de succès illusoirement similaires à ceux d’équipes concurrentes qui travaillaient sur des problèmes immensément complexes issus du monde réel. En retour, combien de travaux d’une qualité remarquable n’ont pas eu la chance que nous avons eu de connaitre cette extraordinaire conjonction qui seule a permis leur concrétisation industrielle à l’issue de long travaux d’ingénierie applicative ?

5- Une part importante de la vie des équipes de recherche consiste à trouver des financements ou de la respectabilité. La plupart des chercheurs se comportent comme n’importe quel animal défendant son territoire, quitte à piétiner, mordre, voire dévorer son voisin. J’ai vu des chercheurs se piétiner de façon infecte pour quelques milliers d’euros de budget. J’ai vu des travaux qui auraient tout aussi bien pu terminer dans la poubelle pour le plus grand bien de l’humanité être encensés et décorés grâce à des accointances politiques. En retour, j’ai aussi vu des chercheurs à l’intégrité irréprochable véritablement épris d’idéal scientifique.

6- Des modèles informatico-mathématiques dotés d’une immense richesse fonctionnelle peuvent digérer une énorme quantité d’information sans jamais en tirer quoi que ce soit de pertinent. Seule la stabilité des modèles face aux fluctuations des données permet de prouver leur robustesse. Ces théories mathématiques ne sont apparues que récemment dans le champ de l’enseignement académique. Trop souvent les statisticiens « classiques » se dispensent d’effectuer des validations croisées qui consistent à partitionner des échantillons d’apprentissage et des échantillons de tests distincts afin de mesurer cette robustesse. En retour, des modèles informatico-mathématiques robustes permettent de résoudre plus vite et même plus justement des problèmes jusque là insolubles pour des raisons de manque de mesures directes ou de complexité calculatoire.

7- Si vous masquez les véritables causes d’un phénomène, les corrélations avec d’autres phénomènes sans rapports finiront par apparaitre et donneront l’illusion d’avoir trouvé une explication. La couleur de la robe de la première passagère d’un paquebot sera forcément corrélée à l’une des innombrables variables que sont l’âge du capitaine, du lieutenant ou du timonier, ou le numéro de série d’un des innombrables composants de tout paquebot. Si vous connaissez certaines corrélations non causales pouvant avoir une incidence politique, alors il vous suffit de faire en sorte que les véritables causes du phénomène soient interdites de prise en compte pour que les corrélations non causales donnent l’illusion d’être les véritables causes. Alors vous accèderez au pouvoir politique. En retour, si vous êtes honnêtes, vous êtes amené à écarter les non-causes des machineries statistiques, de peur qu’une corrélation malencontreuse apparaisse et ne leur donne une importance illusoire.

L’utilisation de la science pour des décisions politiques majeures n’a donc aucun sens sans processus d’audit complet. Or toute la démarche politique autour de l’affaire du réchauffement climatique n’est pas une démarche fondée sur le sérieux, la transparence et la sincérité, mais une démarche hélas fondée sur la passion, sur le secret des données et des méthodes, et sur la propagande, avec exercice de pressions psychologiques sur le public et les scientifiques rebelles. La suite, on la connait : des données sources non fiables, voire trafiquées par des correctifs erronés et même inversés, des modèles non robustes, des corrélations biaisées par l’interdiction de prendre en compte les phénomènes solaires, mais glorifiant la mystérieuses ampleur de la prise en compte du taux de CO2, des milliards d’euros déversés chaque année dans les poches des alarmistes, des fonctionnaires onusiens et des politiciens avides de prouver que la chose politique serait plus utile et moins corrompue qu’elle ne l’est, d’honnêtes scientifiques raillés, voire professionnellement persécutés pour avoir émis des doutes, et d’autres terrorisés à l’idée d’en émettre.

La gigantesque et triste farce mondiale qu’est l’affaire du réchauffement climatique pose la question de l’évolution de la méthode scientifique au 21ème siècle, tout particulièrement lorsque des décisions politiques lourdes de conséquences peuvent en découler.

© 2009 Xavier DRIANCOURT & Institut Hayek

source : http://www.fahayek.org/

 

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