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Un « aspirateur à nuages » pour mieux comprendre le climat

Au sommet de la chaîne de volcans, à 1 465 mètres d’altitude, quatre petites cheminées aspirent l’air ambiant, sur la terrasse de l’observatoire du Puy-de-Dôme. « C’est ici que nous prélevons l’air pour le faire entrer dans le laboratoire », explique Karine Sellegri, directrice de recherche au laboratoire de météorologie physique du CNRS. Un peu plus loin, sur la plate-forme de vingt mètres carrés balayée par le vent, Laurent Deguillaume, physicien adjoint à l’observatoire, montre l’« aspirateur à nuages » : un petit cylindre qui pompe l’air au travers d’une fente pour recueillir l’eau de la nuée. « Nous devons activer le moteur nous-mêmes quand il y a du brouillard et avec un équipement stérilisé, raconte-t-il. Ici, nous sommes à 40 % du temps dans les nuages. »

Les stratus et autres cumulus, l’observatoire les étudie depuis plus de vingt ans. Labellisé GAW (Global Atmosphere Watch) au mois de mai, il est le premier site en France à recevoir cette distinction de l’ONU. Ses mesures font désormais partie d’un réseau mondial de trente stations d’observation scientifique qui analysent les évolutions climatiques pour l’Organisation météorologique mondiale. Grâce à son altitude et sa situation géographique, le lieu permet d’observer plus de 70 paramètres météorologiques (vent, température, humidité, pression…) loin des sources de pollution locale.

A six mois de la conférence de l’ONU sur les changements climatiques, qui se tiendra en décembre à Paris, ces scientifiques cherchent à mettre au point un modèle de prédiction qui prendrait en compte les interactions des nuages dans le réchauffement climatique, « l’une des sources d’incertitude les plus élevées dans les prévisions du GIEC [groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] », indique Karine Sellegri.

Moins de pluie et un effet refroidissant

Dans la basse atmosphère, le nuage a essentiellement un effet refroidissant puisqu’il réfléchit les rayons du Soleil et les empêche ainsi d’atteindre la surface de la Terre. Mais les aérosols – aussi appelés particules – issus de l’activité humaine et rejetés dans l’air interagissent directement dans son milieu et transforment ses propriétés. Pour les scientifiques, il est difficile d’évaluer si cette pollution de l’air participe ou minimise le réchauffement de la planète. Les effets sont si nombreux que leurs conséquences à grande échelle sont complexes.

« Toutes les particules ne sont pas nocives pour l’environnement », précise Karine Sellegri. Les particules les plus grandes, présentes naturellement dans l’environnement, sont mêmes indispensables pour qu’un nuage se forme : elles permettent à l’eau de se condenser et ainsi de former les gouttes qui le constituent. Pour étudier ce procédé, Karine Sellegri dispose d’une machine capable de stimuler la création d’un nuage à partir des particules.
Mais les particules les plus fines, qui proviennent en grande partie de l’activité humaine, et notamment du trafic routier, de l’agriculture ou du chauffage, bouleversent cet équilibre. En entrant en contact avec le nuage, elles fractionnent les gouttes qui le constituent en multiples gouttelettes. Ce nouveau nuage, plus blanc et plus réfléchissant, empêche encore davantage le rayonnement solaire d’atteindre la Terre. « Ces transformations amplifient l’effet refroidissant, mais ça signifie aussi moins de pluie », expose Karine Sellegri.

Les bactéries du nuage

Les aérosols interagissent également avec les bactéries présentes dans les nuages, des micro-organismes qui viennent de l’eau, des plantes ou encore des lacs et qui sont transportés dans l’atmosphère. Sur la terrasse de l’observatoire du Puy-de-Dôme, c’est « l’aspirateur à nuages » qui est chargé de les attraper. Pour la petite fiole de 80 millilitres d’eau récupérée ce jour-là, il a fallu aspirer 200 mètres cubes d’air. C’est dans cette eau que se trouvent les bactéries.

« Elles ont des effets sur la chimie et la physique du nuage », explique Laurent Deguillaume. Certaines « mangent » des particules comme celle de carbone, « ce qui semble être plutôt favorable au climat, mais nous en savons encore très peu sur ces mécanismes », ajoute le scientifique. Les bactéries aident aussi à former la pluie en favorisant la transformation des gouttes d’eau en cristaux. « Tous ces effets se combinent et se compensent, expose Karine Sellegri. Nous devons réussir à les insérer dans des modèles à grande échelle. »

TDF

source : http://www.lemonde.fr/

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