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La pollution de l’air est-elle sous-évaluée ?

Alors que la santé et l’environnement font partie des thèmes retenus pour le « Grenelle de l’environnement », la polémique enfle sur les indices de pollution atmosphérique. Plusieurs polluants majeurs ou cancérigènes sont en effet exclus des mesures, ce qui amène les ONG à dénoncer des chiffres largement sous-évalués.

Après l’association Ecologie sans frontière et les Amis de la Terre, c’est aujourd’hui Ecoforum qui interpelle citoyens et responsables politiques sur le manque de transparence des indices de pollution atmosphériques (ATMO), pourtant censés mesurer des données essentielles à la santé et à l’environnement.

 Le 7 juin dernier, Ecologie sans frontières a publié une étude confiée au bureau indépendant Horizons, concluant que l’ampleur et les impacts de la pollution de l’air en région parisienne seraient sous-évalués, notamment en raison d’une réglementation obsolète et de moyens de mesure insuffisants. Même constat pour Victor-Hugo Espinosa, président de l’association marseillaise Ecoforum et expert auprès des ONG sur ces questions. « Les associations qui contrôlent la pollution de l’air manquent de moyens, tandis que l’Etat se désengage de plus en plus financièrement. Depuis 2000, les subventions ont diminué de 50% », résume-t-il. Outre les questions de financement, la réglementation pose également problème. Certains polluants, qui figurent pourtant parmi les plus dangereux, ne sont ni contrôlés ni réglementés. C’est le cas par exemple du mercure, de l’arsenic ou encore des POP (polluants organiques persistants), des pesticides et des dioxines émises notamment par les incinérateurs.

« Des indices peu représentatifs »

Echappent également à toute évaluation les particules très fines émises par le diesel, alors que « plus leur taille est réduite, plus elles pénètrent profondément dans les voies respiratoires », précise Victor-Hugo Espinosa. « Sur les 5000 molécules chimiques présentes dans l’atmosphère, quelques dizaines seulement sont mesurées », ajoute-il, en rappelant que la France n’a toujours pas transposé la directive européenne sur la mesure des métaux lourds (Cadmium, Nickel, Arsenic, Mercure, Plomb) et des HAP, qui aurait dû l’être avant le 15 juin 2006.
A l’approche de la période estivale, les ONG renouvellent une fois encore leurs critiques sur le fameux indice ATMO, peu représentatif selon elles de la pollution réelle subie par les urbains. Les indices « sont très peu représentatifs de l’exposition réelle de la population », souligne l’étude d’Ecologie sans frontières, qui met en lumière la sous-évaluation d’importantes sources de pollution comme le trafic routier, le trafic aérien et les grandes installations de combustion. Les incinérateurs, notamment, ne sont soumis qu’à un « autocontrôle » par les entreprises elles-mêmes. Enfin, les mesures sont appliquées à certaines substances prises séparément  et non au mélange de ces substances, ce qui selon les ONG fausse les résultats. « Il existe un décalage entre les données fournies qui déterminent l’indice ATMO et la réalité vécue par les populations et relevée par les professionnels de santé (pharmaciens, médecins…) dès les indices 5 (moyen) voire 4 (bon) », indique à ce propos Ecologie sans frontières.

Si elles ne remettent pas en cause les compétences d’Airparif (organisme de mesure de la qualité de l’air en Ile de France) les ONG réitèrent en revanche leurs critiques sur le manque de moyens et l’insuffisance des politiques publiques en vigueur. De son côté, Airparif répond en soulignant avoir mis en œuvre des mesures allant au-delà de la réglementation « malgré ses contraintes budgétaires ». L’association se dit par ailleurs prête « à ce qu’une réflexion sur la seurveillance de la qualité de l’air et les moyens mis à disposition soit engagée, ainsi que l’étude d’Ecologie sans Frontières le demande ».
Au-delà de la polémique, il est évident que les quelques mesures existantes telles que la circulation alternée ne suffiront pas à diminuer le nombre de maladies respiratoires et de cancers engendrés par la pollution. Dans la pétition qu’elle a lancée, Ecologie sans frontières réclame notamment  l’arrêt immédiat de l’abattage des grands arbres producteurs d’oxygène, l’interdiction de l’entrée dans les villes de plus de 20 000 habitants à tous les véhicules particulièrement polluants comme les 4×4, les véhicules diesels et tous les véhicules essence à forte consommation, ainsi que l’utilisation généralisée des véhicules propres par la RATP et les services municipaux et publics.

Enfin, le dernier état des lieux de l’Agence Européenne de l’environnement estime que la pollution est responsable de 60 000 décès par an, tandis que l’OMS évalue à 500 000 le nombre de personnes décédées prématurément en raison des émissions de diesel dans le monde, chaque année. La seule baisse de la pollution atmosphérique permettrait selon l’OMS de sauver quelques 865 000 vies par an. En France, l’étude menée par l’Inserm (1) dans le cadre du projet international ISAAC (International study of asthma and allergies in chilhood) a établi une corrélation  entre la pollution atmosphérique de proximité et le développement de l’asthme et des allergies chez les enfants. Même ceux qui vivent dans des zones où les niveaux de pollution ne dépassent pas les valeurs moyennes recommandées par l’OMS souffrent plus d’asthme allergique (presque 2 fois plus), d’asthme à l’effort (1,5 fois) et d’eczéma (3 fois) par rapport aux enfants qui vivent dans des zones où les concentrations sont inférieures.

(1) L’étude a été publiée dans le numéro de juin de la revue Respiratory Medicine.

source : http://www.novethic.fr/ / Véronique Smée

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