Un monde tourné vers la route de la soie
Attestées à partir du IIe siècle avant notre ère, les « routes de la Soie » mirent en contact l’Europe et l’Asie. Elles virent circuler marchands, diplomates, techniciens, soldats et religieux, qui participèrent à la diffusion des objets et des savoirs.
Ces itinéraires terrestres traversaient de multiples royaumes et principautés, tantôt indépendants, tantôt regroupés sous le contrôle d’un État dominant. Ce fut une suite continue de coagulations et de dissolutions de puissances : Empire chinois, tantôt s’étendant de la Mongolie aux Pamirs, tantôt perdant ses marches allogènes et se concentrant derrière la Grande Muraille ; Empire parthe puis sassanide ; confédérations turques, puissance tibétaine, califat musulman disputant à la Chine le contrôle de l’Asie centrale ; Empire mongol englobant une grande partie de l’Eurasie, recevant le tribut de la Russie et plaçant la descendance de Gengis Khân sur les trônes de Chine et de Perse ; empire soviétique, déstructuré sous nos yeux à la fin du siècle dernier.
Le retour de la route de la soie avec des ambitions de la Chine d’ordre planétaire
Le projet, lancé en 2013 par le président Xi Jinping, est appelé en mandarin « La ceinture et la route » : ceinture terrestre reliant la Chine à l’Europe via l’Asie centrale, et route maritime via l’océan indien. A suivi une multiplication, en Asie et en Afrique, de chantiers essentiellement financés par la Chine : ports, autoroutes, liaisons ferroviaires, centres industriels… Ce projet est déjà engagé, puisque le rail relie désormais la Chine à une trentaine de villes européennes en moins de trois semaines. La Chine a également racheté le troisième port de Turquie, près d’Istanbul, considéré comme un important point de jonction.
Martelée par Pékin, la formule des « routes de la soie » se trouve appliquée également à toutes sortes d’investissements, accords diplomatiques et projets extrêmement divers, jusqu’en Amérique latine et… dans l’Arctique.
Projet sous tensions
Le projet est au cœur des tensions commerciales entre la Chine et l’Union européenne. Un projet à plus de 1000 milliards de dollars
On estime qu’une soixantaine d’États ont bénéficié de capitaux chinois liés à l’initiative. Les sommes sont colossales: selon des estimations, la Chine a déjà dépensé quelque 200 milliards de dollars.
Plus généralement, les investissements chinois dans les pays concernés, de 2014 à mi-2018, s’élevaient à plus du double, soit 410 milliards de dollars, estime le cabinet Euler-Hermes. Selon la banque Morgan Stanley, les investissements chinois cumulés dans les pays des « Routes de la Soie » dépasseront 1200 milliards de dollars d’ici 2027.
Les puissances occidentales, États-Unis en tête, dénoncent les visées géopolitiques de Pékin, soupçonné de vouloir cimenter son influence, contrôler des matières premières et écouler ses surcapacités industrielles. Bruxelles n’a donc pas vu d’un très bon œil le rapprochement entre l’Italie et la Chine. Ces routes « ne peuvent être celles d’une nouvelle hégémonie » qui placerait en « vassalité » les pays traversés, s’alarmait en janvier 2018 Emmanuel Macron.
Plus de 96% des projets financés par Pékin sont confiés à des entreprises chinoises, pointait du doigt en septembre une note du Trésor français. Ces dernières monopolisent ensuite les revenus générés par certaines infrastructures. Par ailleurs, en accordant des prêts colossaux, la Chine est accusée de faire dérailler les finances de pays en développement, aggravant ainsi leur dépendance, sur fond de soupçons de corruption.
Mongolie, Maldives ou Pakistan sont menacés de décrochage, tandis que le Sri Lanka, incapable d’honorer ses créances, a dû céder à Pékin le contrôle pour 99 ans d’un port en eaux profondes. Enfin, les Européens déplorent l’opacité des appels d’offres, épinglant l’insuffisance des normes environnementales et sociales.
Plusieurs pays de l’UE ont déjà conclu des protocoles d’accord pour rejoindre les Routes de la Soie, mais l’Italie -3e économie européenne- serait le premier membre du G7 à s’y rallier.
Athènes a cédé en 2016 son port du Pirée au géant chinois du fret Cosco, qui contrôle également en Espagne les ports à conteneurs de Valence et Bilbao. Le Portugal a aussi tissé d’étroits liens avec Pékin à la faveur de la crise financière, recevant, selon Rhodium, 6 milliards d’euros de capitaux chinois, qui ont ciblé sa première banque privée, l’assureur Felidade et le gestionnaire du réseau électrique (REN). Et Lisbonne ne s’est pas opposé à l’OPA lancée par China Three Gorges sur l’électricien Energias de Portugal (EDP), premier groupe du pays. En République tchèque, une visite de M. Xi en 2016 avait scellé des investissements massifs du chinois CEFC dans des médias, le transport aérien et un club de football. Le patron de CEFC, Ye Jianming, avait même été nommé conseiller du président tchèque Milos Zeman.
Si la France et l’Union européenne sont aussi méfiantes vis-à-vis de la Chine, c’est parce que ce pays affiche clairement ses ambitions planétaires. Les ambitions de la Chine se déploient aux quatre coins de la planète.
Parmi les nombreux plans lancés par la Chine au cours des dernières années, l’initiative « une ceinture, une route » (BRI) que l’on présente souvent comme les nouvelles Routes de la soie est de loin celui qui compte le plus pour les responsables chinois. Elle leur permet de se projeter au niveau international puisqu’une grande partie de la planète est concernée, mais aussi de gagner de nombreux soutiens dans la mesure où les investissements concernent les infrastructures.
Au cœur des inquiétudes européennes (mais surtout américaines), le réseau 5G du colosse chinois se profile tel un cheval de Troie en Europe en raison des suspicions d’espionnage. Car les entreprises chinoises sont soumises légalement aux demandes des autorités et ne peuvent rien leur refuser. Huawei en fit les frais il y a quelques mois lorsque la fille du fondateur des télécoms chinois fut arrêtée au Canada sur ordre des Etats-Unis.
Le président des Etats-Unis Donald Trump s’est montré perplexe, et une fois de plus, l’autre vice-premier ministre italien, Matteo Salvini, s’est empressé de le rassurer en prenant ses distances avec la décision de son collègue Luigi Di Maio.
Rappelons tout-de-même que l’échange sino-italien vaut aujourd’hui 40 milliards d’euros et qu’en 2018 l’Italie a exporté pour 20 milliards d’euros, la péninsule est cependant en déficit par rapport à la Chine.
Les inquiétudes de Donald Trump devraient faire réfléchir quant aux difficultés de tous les pays à affronter la Chine.
Globalisation à la sauce chinoise
Depuis l’apparition de Xi Jinping en chantre de la mondialisation au forum de Davos, en janvier dernier, et le retrait des États-Unis en janvier 2017 de son projet de Traité de partenariat transpacifique (TPP), “la Chine a pris la tête des puissances internationales qui promeuvent la globalisation économique”, commente le webzine The Diplomat. “Elle est devenue une improbable championne de la libéralisation des marchés internationaux.” Ayant bloqué chez elle toute tentative de démocratisation, et maintenant que les États-Unis et l’Europe sont très occupés à régler leurs problèmes internes, “tout en mobilisant les investissements internationaux sur cette initiative, la Chine fournit les preuves concrètes aux États peu libéraux d’Asie du Sud-Est, d’Asie centrale et du Moyen-Orient qu’il y a beaucoup à gagner à embrasser la ‘mondialisation aux caractéristiques chinoises’”. Son envergure économique dépassera un jour les deux tiers du PNB mondial
sources : https://www.europe1.fr / https://www.scienceshumaines.com / https://www.bfmtv.com / https://www.lci.fr/international / https://www.lopinion.fr / https://www.latribune.fr / https://www.courrierinternational.com
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