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Les murs verts de Patrick Blanc

Le fameux mur végétalisé du musée du Quai-Branly, à Paris, est son oeuvre. Ce chercheur au CNRS a réalisé plus de 200 jardins verticaux dans le monde.Pour Patrick Blanc, « Mur » prend désormais une majuscule. Son concept très original de murs végétalisés dont il a déposé le brevet en 1988 a lancé la mode des jardins verticaux. Aujourd’hui, il court le monde pour répondre à des demandes toujours plus spectaculaires d’architectes et d’urbanistes qui ne peuvent plus se passer de ce botaniste artiste qui redessine la nature pour citadins coupés de leurs racines.

A lui de végétaliser murs aveugles, piles de ponts, centres commerciaux sans âme et parkings sans vie. Depuis son premier mur en 1986 à la Cité des sciences, à Paris, Patrick Blanc a créé près de 200 jardins verticaux et une cinquantaine de projets l’attendent. Un de ses prochains défis est une « série d’arches végétales de 150 mètres de longueur enjambant des avenues de Dubai à 200 mètres de hauteur ».

« Je n’ai jamais aimé la campagne, jamais aimé les jardins, à l’exception des jardins botaniques. Je n’ai toujours aimé que les grandes villes et les milieux naturels les moins perturbés possible […]. Je n’ai jamais vécu qu’en ville et, depuis trente-cinq ans, je parcours les forêts primaires du monde », écrit-il. Cela pourrait paraître paradoxal, mais c’est justement sa fabuleuse connaissance des plantes qui lui permet de tapisser de vert des murs urbains, du Blanc-Mesnil à São Paulo.

Mèches de cheveux verts, tuniques à motifs de feuillages et pantalons-chaussures-chaussettes, tantôt mousse, tantôt anis. Cette panoplie chlorophylle, adoptée dès ses premières expéditions en forêt tropicale, lui sert de passeport entre Singapour et Athènes, Gênes et New York. Pied de nez aussi d’un adulte de 55 ans qui s’amuse comme l’enfant qu’il était découvrant l’aquarium du médecin de famille à Suresnes. Surpris par les poissons multicolores et les plantes aquatiques étranges, autant que par les glouglous du filtre. Le jeune Patrick apprendra vite que pompes et plantes régénèrent l’eau et maintiennent vivant l’écosystème de ce micro-univers. Son propre aquarium devient bientôt un laboratoire où prennent racines des boutures du philodendron maternel. Puis viendront divers stratagèmes d’alimentation en eau des lianes qui escaladent les murs de l’appartement familial.

Exposé tel un artiste

En 1972, l’année de son deug en sciences naturelles à Jussieu, il s’envole le temps d’un été parcourir les sous-bois de Thaïlande et de Malaisie, milieu d’origine de ses plantes d’appartement. Il découvre alors « des fougères dégoulinant le long des troncs d’arbre, des pans de végétation disparaissant derrière des rideaux d’eau, des rochers recouverts de petites plantes délicates et la capacité des plantes à coloniser tous les supports disponibles, en pleine lumière ou dans l’ombre profonde et dans les sites les plus inaccessibles ». Il comprend aussi que les plantes peuvent s’installer à toute hauteur et pas simplement à partir du bas pour s’élever en grimpant. Il n’aura alors de cesse d’essayer de reproduire cette végétation qui le fascine et il consacre ses recherches aux plantes dites de « basses énergies », qui bénéficient d’à peine 1 % de lumière à travers la canopée (1) et poussent dix à vingt fois moins vite que les autres. A celles qui peuplent les sources chaudes de Java, aux algues qui prolifèrent dans les cascades au Venezuela ou encore à cette petite fougère de Sumatra qui survit dans les courants violents. Bref, à ces modestes qui font preuve d’ingéniosité pour résister aux conditions extrêmes.

« J’utilise beaucoup d’espèces, jusqu’à 400 pour le musée du CaixaForum de Madrid. » Ses murs ne sont pas tapissés de plantes rares, au contraire. « Je n’utilise que des espèces qui poussent dans la nature, sur pentes, troncs, branches, sous-bois. » Comme ces belles indigènes communes que sont les buddleias, les figuiers ou les hortensias, au port mis en valeur par la verticalité. Place aussi aux heuchères, vivaces aux hybrides si lumineux à l’ombre, aux armoises argentées, aux coulées d’helxine, sorte de mousse tapissante au vert acide. Comme d’autres étudient des tableaux de maître à la loupe, un confrère botaniste avoue observer les murs de Patrick Blanc aux jumelles pour y déceler les inconnues que le maître glisse parfois au milieu de ses oeuvres. « J’essaie de jouer sur les contrastes, les camaïeus, les textures, la brillance. » Il ne laisse aucun vide-le meilleur moyen d’empêcher la prolifération des mauvaises herbes-et choisit des plantes qui fusionnent sans se gêner. « J’élabore souvent mes « séquences végétales » le long de lignes obliques, comme lorsque les plantes colonisent des failles », dit-il . Si chaque tapisserie est unique, toutes comportent sa touche fétiche, l’ Iris japonica , dont Patrick Blanc affectionne l’élégance des feuilles lustrées et effilées qui captent si bien la lumière. « Je tiens compte du développement de chacune, car le mur doit être beau trois mois, trois ans, trente ans après. » Comme les murs de sa maison de Créteil où il s’est installé il y a dix-sept ans et où les plantes ont pris la place du mobilier. C’est dans cette maison-laboratoire où volettent des diamants mandarins qu’il expérimente ses trouvailles rapportées du Japon ou du Chili. Comme dans l’aquarium de son enfance.

Premier botaniste dont les travaux ont intéressé les architectes, Patrick Blanc est aujourd’hui exposé comme un artiste. Depuis 1996, Jean Nouvel l’a associé à plusieurs réalisations, dont la fondation Cartier, à Paris, ou l’habillage des 700 mètres carrés du bâtiment administratif du musée du Quai-Branly. Aujourd’hui, ils travaillent ensemble à la végétalisation de trois murs de 120 mètres de hauteur à Sydney. Autre inconditionnelle et grande amie, l’architecte d’intérieur Andrée Putman, tombée sous le charme de l’antre tropicalisé de Créteil et qui appela Patrick Blanc à la rescousse un beau jour de 2001 ; chargée de l’aménagement de l’hôtel Pershing Hall, à Paris, elle ne savait que faire des 30 mètres de mur aveugle sur lequel donnaient les chambres. Patrick Blanc fit de la cour ingrate un havre de verdure.

« Alors que plus de la moitié de l’humanité vit dans les villes, il faut montrer que la nature peut s’exprimer dans notre environnement urbain, cette perception d’une nature libre et exubérante sensibilisera tous les habitants des villes à la nécessité de protéger ce qui reste des milieux naturels dans le monde. » « J’aime réintégrer la nature là où personne ne s’y attend, pour la réconcilier avec l’homme », ajoute-t-il. Et comme l’horizontal est déjà occupé en ville, reste le vertical. Pour répondre à l’engouement pour ses murs, divers systèmes industriels de pots empilés ou de panneaux précultivés ont vu le jour.

Le botaniste travaille aussi à un projet plus personnel : son déménagement. En février prochain, il s’installera à Ivry dans une maison où hommes, bêtes et plantes prendront leurs aises et, à l’en croire, riche en innovations techniques. On saura juste que dans son bureau-déjà baptisé « Christianum »-il marchera sur l’eau et les plantes…

Comment faire le mur

Imaginez une vieille serpillière humide suspendue. Patrick Blanc s’appuie sur ce principe tout en perfectionnant les matériaux. Sur une structure métallique tubulaire inoxydable, montée à quelques centimètres du mur porteur, sont fixés des panneaux de PVC étanchéifiés. Le tout est recouvert de feutre imputrescible. Des poches accueillent les plantes dont les racines peuvent s’étendre sans dommage entre le feutre et le PVC. Un tuyau percé court sur le haut de la structure, imbibant le feutre par intermittence d’eau additionnée d’engrais, indispensable. L’eau est ensuite récupérée dans un réservoir aménagé au bas du mur ou évacuée. Une fois les plantes installées, seule une taille d’entretien deux fois par an suffit à rééquilibrer l’ensemble et respecter le dessin initial. Les plantes sont mises en végétation une saison avant que le mur ne soit « ouvert au public ». La densité de plantation dépend du type de plantes. Outre l’aspect esthétique, le mur végétal extérieur joue le rôle d’isolant été comme hiver. A l’intérieur, une paroi végétale, si elle est de grande taille, peut assainir l’air d’un appartement ou d’une maison. Prix de revient ? Environ 500 euros le mètre carré, dus au support et à la main-d’oeuvre

source : http://www.lepoint.fr/

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