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Les cartes de températures trafiquées ?

NCDC

NCDCL’article publié vendredi 21 juin sur Le Monde.fr, évoquant le bilan climatique du mois de mai 2013, a suscité un certain nombre de courriers de lecteurs. Certains s’interrogent, à bon droit, sur la carte des températures établie par le National Climatic Data Center (NCDC) américain, choisie pour accompagner l’article en question. L’un des messages reçus était sobrement intitulé « la grosse arnaque des cartes de températures ». Voyons en quoi consiste cette fameuse « arnaque ».




Rappelons d’abord l’élément principal du bilan mensuel du NCDC : aussi étonnant que cela puisse paraître à un habitant de la France métropolitaine, le mois de mai 2013 a été au niveau mondial le troisième mois de mai le plus chaud mesuré depuis le début des observations. C’est-à-dire depuis 1880. Si le jeu de données du NCDC peut être légèrement différent de celui maintenu par d’autres laboratoires, comme le Goddard Institute for Space Sudies (GISS) de la NASA, ou encore le Hadley Centre du Met Office britannique, l’accord entre ces trois grands centres de recherche est toutefois généralement assez bon.

Mais revenons à notre fameuse carte. La voici :

Cette carte, bien que concoctée par les scientifiques du NCDC, a provoqué un certain trouble. « Comme vous le savez, le climat n’est pas mon sujet de recherche, écrit un lecteur, par ailleurs spécialiste de physique solaire dans un important laboratoire français d’études spatiales. Mais je suis plus ou moins forcé de m’y intéresser, puisque j’ai souvent des questions du public sur les liens entre le Soleil et le climat. » « J’ai donc retrouvé vos sources sur la page [du NCDC] avec l’image [publiée], poursuit le physicien. Ma question est donc : que pensez vous de la carte ci-dessous ? »

Voici cette autre carte, également publiée sur le site du NCDC, dans son bilan de mai 2013 :

La différence avec l’autre carte de températures est frappante. La quasi-totalité de la première est de couleur rouge, suggérant des températures supérieures à la moyenne, tandis que la seconde exhibe de larges portions de territoire coloriées en bleu, signe au contraire, de températures inférieures à la moyenne… « Désolé si ma question est un peu idiote, ajoute le physicien. Mais sans être un horrible climatosceptique, tout en étant tout de même scientifique, là pour le coup ces différences me paraissent incompréhensibles d’un point de vue purement scientifique. » D’autres messages reçus ne s’embarrassent pas d’autant de précautions et suspectent une « arnaque » destinée à « faire peur aux gens ».

Il y a pourtant une explication simple. La seconde carte représente les écarts de température à une « moyenne climatologique », établie par convention sur trente ans. En l’occurrence, entre 1981 et 2010. Quant à la première – celle choisie pour illustrer l’article publié sur Le Monde.fr – elle procède à un autre type de classement. Les températures sur l’ensemble de la période d’observation (soit 133 ans de mesures) ont été classées dans trois grandes « cases » de même taille. Les chaudes (du 1er au 44ème rang), les normales (du 45ème au 89ème rang), les froides (du 90ème au 133ème rang).

La première grande « case » a ensuite été subdivisée en trois cases plus petites. La première (« Record warmest »), lorsque la température relevée est la plus haute jamais enregistrée dans une zone donnée) ; la deuxième (« Much warmer than average ») lorsque la température se classe du 2ème au 13ème rang ; la troisième (« Warmer than average ») lorsque la température est comprise entre le 14ème et le 44ème rang. La grande « case » regroupant les températures froides a, de même, été subdivisée en trois sous-catégories (« Record coldest », « Much colder than average », « Colder than average »).

Les deux présentations sont donc différentes, bien que les données de températures utilisées, celles de mai 2013, soient identiques. Mais pourquoi choisir comme illustration la première plutôt que la seconde ? Non pour « faire peur aux gens », mais simplement parce que c’est la première qui décrit le plus justement le changement climatique en cours, dans une perspective historique plus large que les seules trois dernières décennies. En effet, comparer les températures en cours à celles de la période canonique de trente ans, à partir de laquelle sont calculées les « normales » (ou « moyennes »), est une pure convention qui n’a pas pour ambition de « montrer » le changement climatique en cours. De fait : la période 1981-2010 est elle-même déjà significativement « réchauffée » par rapport au siècle écoulé…

On comprend ainsi, par exemple, pourquoi les Philippines arborent un rouge sombre sur la première carte et un rose clair sur la seconde. Le rouge sombre de la première signifie qu’aucun mois de mai n’a été plus chaud que mai 2013, sur l’archipel philippin, depuis le début des observations. Le rose clair de la seconde signifie que les températures de mai 2013 n’y ont été supérieures que d’environ 1,5°C à la moyenne des mois de mai des trente dernières années…

« Préciser tout cela pourrait être un prétexte pour une suite à votre article, pour les ignorants comme moi, poursuivait notre lecteur physicien. Je suis sûr que ce serait très intéressant. » Voilà qui est donc fait.

source : http://ecologie.blog.lemonde.fr

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