Dernières Infos

Dans l’Atlantique Nord, l’équilibre de la circulation océanique Atlantique (Amoc) est altéré

Approcherait-on du scénario catastrophe du film le Jour d’après, sorti en 2004 ? La modification des courants marins qui influencent la météo en Europe comme en Amérique du Nord est un effet redouté du bouleversement climatique en cours. Un point de bascule majeur, c’est-à-dire l’un de ces changements abrupts et irréversibles du climat qui menacent la survie même de l’humanité. Or deux études récentes établissent que ce phénomène est bel et bien enclenché, avec des conséquences tangibles. Il pourrait s’accentuer et devenir dramatique.

Pourquoi est-il menacé ?

L’océan est en mouvement perpétuel. Et ces courants transportant chaleur, carbone, oxygène et nutriments régulent le climat planétaire. Ainsi, la Circulation méridienne de retournement Atlantique (Amoc), que beaucoup appellent à tort le Gulf Stream, participe au climat tempéré européen. Rectifions d’abord les nombreuses fausses informations qui se propagent à son sujet. Les vents d’altitude qui se déplacent d’ouest en est sur la planète sont la principale cause de la différence de climat entre Madrid et New York, pourtant à la même latitude, et non pas le Gulf Stream. Autre idée reçue, ce dernier serait un système de courants océaniques qui circulent dans l’Atlantique Nord, le long des littoraux américains, d’Europe de l’Ouest jusqu’aux mers nordiques de Scandinavie, d’Islande et du Groënland. Faux, cet ensemble s’appelle l’Amoc. Le Gulf Stream est en réalité un puissant courant très localisé le long des côtes de la Floride, qui fait partie de l’Amoc. Ce dernier fonctionne grâce à un équilibre fragile entre les températures et la salinité des eaux. Un équilibre bouleversé par le changement climatique provoqué par les activités humaines. Deux études publiées la semaine dernière dans la revue scientifique Nature apportent de nouveaux éléments sur ce phénomène. La première, réalisée par l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat, conclut que l’Amoc serait déjà en train de ralentir. Cela depuis les années 50. «Nous avons détecté un phénomène de refroidissement des eaux au sud du Groënland [aussi appelé la tache froide, ndlr] avec, en parallèle, un réchauffement inhabituel le long de la côte nord-américaine, explique une des auteurs de l’étude, Levke Caesar. C’est l’empreinte de l’affaiblissement de ces courants océaniques.» La seconde publication complète ces résultats. Son auteur principal, David Thornalley, de l’University College de Londres, a réussi à simuler l’intensité de l’Amoc au cours des mille cinq cents dernières années, grâce à l’étude de petits sédiments déplacés par les courants de profondeur. Conclusion : l’Amoc s’est affaiblie depuis 1850, jusqu’à atteindre un record.

Au delà de l’impact humain, un ensemble de 27 modèles climatiques prévoit en moyenne une baisse de l’intensité de l’Amoc de l’ordre d’un tiers, détaille Didier Swingedouw, chercheur au CNRS, à l’université de Bordeaux et spécialiste de l’influence du climat sur ces courants marins. Dans certains de ces modèles, ces changements sont bien plus importants, jusqu’à 70 %-80 % de diminution.» Et ces modèles ne prennent pas en compte la fonte des glaces au Groënland. Cet écoulement glaciaire dans tout l’Arctique participe au ralentissement de l’Amoc. De même que la hausse des températures globales à la surface des océans due au réchauffement climatique. Explications.

Dans deux régions de l’Atlantique Nord – la mer du Labrador et les mers nordiques -, l’Amoc réalise une convection en hiver, c’est-à-dire la plongée des eaux de surface à 1 000-2 000 mètres de profondeur qui repartent vers le Sud. Ce retournement est permis car ces eaux de surface, plus denses, sont plus salées et plus froides. Or elles devraient se réchauffer, dans les prochaines décennies, et perdre en salinité avec la hausse des précipitations prévues dans la région sous l’influence du changement climatique et l’afflux d’eau douce causé par la fonte des glaces.

Déjà des conséquences ?
L’affaiblissement de l’Amoc «pourrait déjà avoir un impact sur la météo en Europe», conclut la première étude. Car un temps froid dans l’Atlantique subarctique «est corrélé à des températures élevées en été en Europe. La vague de chaleur qui a frappé le continent en 2015 a été liée à la « tache froide » », expliquent les chercheurs. Ce ralentissement de l’Amoc a d’autres conséquences dans l’hémisphère Nord. Les scientifiques soulignent qu’il a été associé à une hausse supérieure à la moyenne de la montée du niveau de l’océan sur la Côte Est des Etats-Unis, ainsi qu’à une sécheresse accrue au Sahel. Mais «pour évaluer les impacts à court et long termes, l’amplitude du ralentissement joue beaucoup et il existe une forte incertitude à ce niveau», remarque Didier Swingedouw. Pour David Thornalley, «déterminer le comportement futur de l’Amoc dépendra de la compréhension de sa sensibilité à des facteurs extérieurs tels que l’afflux d’eau douce [par la fonte des glaces et l’augmentation des précipitations, ndlr], et de la façon dont ces facteurs vont varier ou s’accroître». Les deux études parues dans Nature insistent sur la nécessité de poursuivre les recherches sur les altérations de l’Amoc et sur «son rôle dans les changements climatiques», tant l’enjeu est majeur. «L’Amoc est l’un des « points de bascule » bien documentés du système climatique», pointent les auteurs de la première publication. Or les scientifiques ignorent encore à quelle échéance ce point de bascule sera atteint, ce qu’ils jugent «très inquiétant». David Thornalley s’alarme aussi de «l’impact dramatique» que pourrait avoir la modification des courants océaniques en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest.

Les simulations suggèrent qu’un affaiblissement de l’Amoc pourrait devenir la cause principale des modifications de la circulation atmosphérique estivale en l’Europe de l’Ouest et pourrait renforcer l’activité des tempêtes sur le continent, expliquent les chercheurs de la première étude. La deuxième, elle, insiste sur le fait qu’un ralentissement abrupt de l’Amoc «pourrait déclencher une multitude de bouleversements globaux, dont une montée rapide du niveau des océans, des changements dans la distribution des pluies, une aridification de certaines régions et des hivers glaciaux en Europe de l’Ouest».

extrait et source : https://www.liberation.fr/

(687)

Laissez un message