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Chronique d’un refroidissement stratosphérique et du climat

Par Gavin Schmidt (traduit de l’anglais par Vincent Noël)
Des études récentes du changement climatique (MSU température Record, ACIA) ont mis en évidence un refroidissement de la stratosphère, en parallèle a un apparent réchauffement de la surface et la basse atmosphère (troposphère). La stratosphère se situe entre 12 et 50 km d’altitude environ. Elle se caractérise par un profil de température qui augmente avec l’altitude, en raison de l’absorption des radiations solaires ultraviolettes par l’ozone stratosphérique…

 Les choses sont très différentes dans la troposphère (de 0 a 12 km d’altitude environ), ou, en général, la température baisse lorsque l’altitude augmente, en raison de l’expansion des gaz alors que la pression atmosphérique diminue. En d’autres termes, la stratosphère a un gradient de température négatif, alors que la troposphère a un gradient positif.

En résumé, une augmentation de la concentration des gaz a effet de serre entraîne une augmentation du gradient de température a la surface.

[Explication technique. Imaginez une atmosphère constituée de couches isothermes, qui n’interagissent que de façon radiative. A l’équilibre, chaque couche ne peut émettre que ce qu’elle a absorbé. Si la quantité de gaz a effet de serre (GES) est faible, chaque couche ne voit que les émissions de la surface, et donc par Stefan-Boltzmann on peut déduire que 2Ta4 = Tg4, avec Ta la température de l’air et Tg celle du sol. Ainsi Ta=0.84 Tg pour toutes les couches (dans une atmosphère isotherme). D’un autre coté, si la concentration en GES est très élevée, chaque couche ne voit que les émissions de ses voisines, et on peut montrer que la température de la couche supérieure serait donnée par (n+1)-1/4 Tg, avec n le nombre de couches. Cette dernière température est bien plus froide que dans le cas des faibles GES. Donc l’augmentation des GES accroît le gradient de température atmosphérique.]

Dans le cas de la Terre, les radiations solaires sont a-peu-près constantes. Ceci implique qu’il existe un niveau dans l’atmosphère (appelé le niveau de radiation effectif) a la température de radiation effective (environ 252K). Ce point est situé dans la troposphère moyenne (environ 6 km d’altitude). Étant donne qu’une augmentation des GES implique une augmentation du gradient de température, les températures vont donc « pivoter » autour de ce point fixe : l’atmosphère en-dessous de ce point va se réchauffer, et l’atmosphère au-dessus se refroidir.

Même si la stratosphère a un gradient de température opposé a celui de la troposphère en raison de l’absorption par l’ozone, l’impact d’une augmentation des GES sera le même : comme la stratosphère est au-dessus du niveau de radiation effectif, celle-ci va se refroidir. Le refroidissement sera plus important aux hautes altitudes. Dans la troposphère, beaucoup d’autres paramètres influencent la température, principalement la concentration en vapeur d’eau, et donc le changement est limité par rapport a une atmosphère purement radiative. En conclusion, même si la troposphère se réchauffe lors d’une augmentation de GES, le plus fort changement n’est pas observe a la surface, mais dans la troposphère moyenne.

Bien entendu, cette explication est une approximation simplifiée, et d’autres mécanismes sont également importants (nuages, convection, dynamique, etc). Localement, le comportement atmosphérique peut être très différent. Néanmoins, a grande échelle, ce mécanisme est l’effet dominant.

D’autres acteurs importants du forçage radiatif, les aérosols volcaniques, peuvent également mener a des changements opposés dans la stratosphère et la troposphère. Lors d’éruptions explosives (la plus récente étant celle du Mont Pinatubo en 1991), de fortes quantités d’aérosols (très petites particules) de type sulfate sont injectées dans la stratosphère. Ces aérosols réfléchissent la lumière du soleil et donc augmentent l’albédo de la planète. Ceci diminue la quantité de radiation solaire atteignant la surface, et donc refroidit la troposphère. Par contre, ils absorbent simultanément une certaine quantité de ces mêmes radiations, ce qui mène a un réchauffement de la stratosphère basse.

Est-ce-que tous les changements climatiques influencent de façon opposée la stratosphère et la troposphère ? Non, ça dépend de la physique de chaque cas. Un bon contre-exemple est donné par le forçage radiatif solaire. Une augmentation globale de l’irradiation solaire (pendant un cycle solaire de 11 ans) réchauffe la stratosphère (plus d’absorption par l’ozone) mais aussi la troposphère.

[Ndt : Cette traduction est basée sur la version du 25 Février 2005]
source : http://www.realclimate.org/index.php?p=58&lp_lang_view=fr

La mésosphère, qui s’étend au-dessus de la stratosphère ( entre 50 et 80 kilomètres d’altitude ), se refroidit de 0,6°C par an depuis dix ans, soit dix fois plus vite qu’on le pensait autrefois.

Quels sont les principaux mécanismes de couplage entre la troposphère (notre niveau de l’atmosphère) et la stratosphère, et comment influent-ils sur le climat ? Nous savons, par exemple, que la structure thermique verticale de la troposphère est sensible aux changements de celle de la stratosphère. Nous savons aussi que des ondes se propageant vers le haut à partir de la troposphère montent jusque dans la stratosphère et y influent sur les températures et sur la circulation. De même, des ondes nées dans la stratosphère peuvent se propager vers le bas, et influer

sur les conditions météorologiques dans la troposphère. En étudiant plus avant ces mécanismes, nous améliorerons notre compréhension de la façon dont les conditions qui règnent dans la stratosphère ont une incidence sur le climat dans la troposphère, et réciproquement.

Comment les changements des structures thermiques verticales de la troposphère et de la stratosphère influent-ils sur le climat ? Depuis 30 ans, les chercheurs constatent un refroidissement de la stratosphère et un réchauffement de la basse troposphère. Ces changements pourraient faire varier la hauteur de la tropopause, qui est la limite entre la troposphère et la stratosphère. Cette variation pourrait à son tour influer sur la hauteur des courants de convection au sein de la troposphère, comme ceux qui accompagnent les orages, et donc possiblement sur l’intensité de ceux-ci. Elle pourrait aussi modifier les positions des courants-jets sur la planète, et donc le déplacement des systèmes météorologiques.

Sur ce dernier paragraphe, nous l’aurons donc compris, les modifications en cours de notre atmosphère vont chambouler les évènements climatiques au « sol ».

Pendant le petit age glaciaire, ce phénomène a été observé, dixit la Nasa. Les causes du refroidissement de la Stratosphère étaient solaires, mais les conséquences d’un refroidissement actuel de la stratosphère pourrait bien être similaires. A cette époque, le changement des vagues océaniques a donné un grand coup de pied à l’oscillation Atlantique nord (NAO), l’équilibre entre un système de basses pressions permanent près du Groenland et un

 

système de hautes pressions permanent au sud l’a poussé dans une phase négative. La carte de la phase négative de la NAO est obtenue en faisant la moyenne des cartes de la pression au niveau de la mer pour les années où l’indice NAO est négatif.

Un indice négatif signifie que la pression associée à l’anticyclone des Açores (H) est plus faible que sa valeur normale d’hiver, alors que la dépression d’Islande (L) est à peine plus creuse. Par conséquent, les vents d’ouest ne sont pas très forts et les tempêtes sont rares (indiqué par FEWER STORMS sur la carte).

De plus, les perturbations circulent plus au sud et s’engouffrent en Méditerranée, apportant la pluie sur ses rivages (indiqué par WET sur la carte). Quant au nord de l’Europe (dont la moitié nord de la France), il passe sous l’influence de l’anticyclone de Sibérie : l’hiver est sec mais froid (indiqué par DRY sur la carte), des flux de nord est se mettent donc en place. À la limite entre les dépressions circulant en Méditerranée et l’air froid sur le nord de l’Europe, les précipitations peuvent se présenter sous forme de neige même en plaines (les prévisionnistes désignent ce type de situation sous l’appellation de « retour d’est »). Le Groenland voit des hivers plutôt doux, alors que la côte est des États-Unis subit plus d’épisodes froids et de chutes de neige.

Une stratosphère refroidit nous apportera donc ce type de climat dans les années à venir.

sources : NOAA / NASA / CNRS / http://www.ifremer.fr/ / exp-studies.tor.ec.gc.ca/

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