Dernières Infos

Le Gaz de Schiste

Les gaz de schistes (shale gas) ont connu un essor extraordinaire ces dernières années aux États-Unis. En Europe, les compagnies pétrolières commencent seulement de s’intéresser à ces gaz non conventionnels dont les ressources pourraient être importantes.

Roland Vially, géologue à IFP Energies nouvelles, nous explique quels sont les enjeux liés à l’exploitation de ces gaz.

Les shale gas qu’est-ce que c’est ?

R.V. : Du gaz contenu dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10 % de matière organique. Ces gaz font partie des gaz non conventionnels parce qu’ils ne peuvent pas être exploités avec les modes de production classiques. Ils sont aujourd’hui produits en grande quantité aux États-Unis où ils représentent 12 % de la production de gaz contre seulement 1 % en 2000. A part quelques pays qui n’ont pas de bassins sédimentaires, on peut trouver des shale gas à peu près partout. En Europe, le consortium Gash, auquel participe IFP Energies nouvelles, vise à établir d’ici 3 ans une cartographie des ressources européennes.

Les réserves mondiales représenteraient plus de 4 fois les ressources de gaz conventionnel. De quoi, si on arrivait à les exploiter, changer la donne de la géopolitique gazière.

Ils sont aujourd’hui produits en grande quantité au Canada ainsi qu’aux États-Unis où ils représentent entre 12 % et 20 % de la production totale de gaz (on parle de 30 à 50 % dans trente ans) contre seulement 1 % en 2000.
A part quelques pays qui n’ont pas de bassins sédimentaires, on peut trouver des shale gas à peu près partout. En Europe, le consortium Gash, vise à établir d’ici 3 ans une cartographie des ressources européennes. Les bassins les plus intéressants sont situés en Europe du Nord et de l’Est et plus au sud, notamment en France dans le bassin du Sud-est et dans le Bassin parisien !

Les réserves mondiales représenteraient plus de 4 fois les ressources de gaz conventionnel. De quoi, si on arrivait à les exploiter, changer la donne de la géopolitique gazière. C’est aussi l’occasion pour l’Occident de reprendre la main face à la Russie et aux pays du Sud producteurs de gaz et de pétrole. Un enjeu faramineux !

En mars dernier, le ministère « de l’Ecologie » a accordé trois permis exclusifs d’exploration (permis de Montélimar ; Permis de Nant ; Permis de Villeneuve de Berg) à Total, GDF-Suez et à la firme américaine Schuepbach Energy LLC (cf le bulletin d’information du BEPH de mars 2010). Les sous-sols à explorer dessinent un gigantesque V de Montelimar au Nord de Montpellier, remontant à l’Ouest sous le plateau du Larzac et le long du parc naturel des Cévennes et l’Ardèche soit 9672 km² (cf. carte).

A GDF-Suez qui pourrait débuter dans quelques mois des « forages expérimentaux » sur la commune de Villeneuve de Berg en Ardèche. Le groupe américain Schuepbach Energy, (leader mondial de l’exploration), avec qui GDF-Suez s’est allié, s’est vu accorder pour 3 ans l’exploration d’un bassin sédimentaire de 4414 km² qui s’étend à l’est d’une ligne allant de Saint-Geniez-d’Olt à Camarès pour rejoindre la Méditerranée correspondant au permis
dit « de Nant » (dont le secteur du Larzac).
A Total qui a acquis début 2010, 25% de Schuepbach Energy, afin d’opérer sur le permis dit « de Montélimar », accordé pour 5 ans.

Des permis ont aussi été pris en Suède par Shell, en Allemagne par Exxon Mobil, en Pologne par presque tous les majors, ainsi qu’en Lituanie.

Remarque : Encore novices dans l’exploitation des gaz de schistes, les groupes français ne peuvent se passer de partenaires américains, les seuls à maîtriser la technique clef d’extraction de ces nouvelles ressources.
Et cela n’est pas fini puisque d’autres permis sont à venir (secteurs de Valence, Provence, Cahors, …). Au total ce serait plus de 24 000 km² soit près de 8% du territoire français qui serait concerné…
Il faut savoir que ces permis sont renouvelables deux fois , n’exigent aucune information du public ni enquête publique et seule une notice d’impact est demandée. Une simple déclaration préfectorale suffit alors pour pouvoir démarrer les travaux.

Pour l’instant nous en sommes à une phase d’analyse de données par nos géologues, explique-t-on chez Total. Si les résultats de la phase de prospection de cinq ans sont positifs, il faut en général quatre ans de plus pour mettre en place l’extraction d’hydrocarbures.

Cependant, pour les gaz de schiste, le forage des puits peut être très rapide et extensif.

L’extraction :
L’exploitation fait appel à la technique révolutionnaire de fracturation hydraulique mise au point par Halliburton, le géant de l’armement texan. Un procédé efficace mais brutal. Ce gaz est difficilement accessible.
Pour chaque puits, le principe est le même :
·  les ingénieurs creusent les fondements du puits,
·  installent un coffre de béton,
·  commence un forage vertical de 30 cm de diamètre jusqu’à plus de 1 200 m de
profondeur avant de « couder » le forage qui avance, horizontalement, dans la couche de schiste censée renfermer du gaz.

Pour réunir les micropoches en une unique poche de gaz, on fait exploser une charge au fond du puits ; les ingénieurs y injectent à très haute pression un mélange d’eau, de sable (ou micro-billes céramique) et de divers produits chimiques facilitant le processus : propulsé à 600 bars (deux fois la puissance d’une lance à incendie Cobra), le liquide écarte les fissures formées par l’explosion que le sable garde ouvertes pour en faire échapper le gaz qui remonte avec la moitié du liquide appelé “liquide de fracturation” (le reste étant capturé par la roche).

Chacun de ces “fracks” nécessite
·  de 7 à 15 000 mètres cube d’eau (soit 7 à 15 millions de litres) dont seulement la moitié remonte à la surface, un puits pouvant être fracturé jusqu’à 14 fois.
·  deux cents allers retours de camions pour le transport des matériaux de chantier, de l’eau, puis du gaz.

Selon la couche de schiste, un puits peut donner accès à des quantités de gaz très variables, précise A. Parriaux, docteur-ingénieur en géologie à l’université polytechnique de Lausanne. Chaque puit exploitable ne l’est que brièvement, un suivant doit donc être foré quelques centaines de mètres plus loin, et ainsi de suite… Ainsi pour être sûr de rentabiliser un champs, il faut une forte densité de forage. Pour exemple, dans le Garfield County (Colorado), le désert s’est hérissé de puits de gaz de schiste tous les 200 mètres.

A peine sorti, le gaz est injecté dans un séparateur qui le dissocie de l’eau remontée du puits avant d’être pompée vers un condensateur, sorte d’immense réservoir de 40 000 à 80 000 litres. Le gaz y est séparé de ses autres composantes, laissant échapper des vapeurs d’hydrocarbures : CO2, NOx et autres gaz à effet de serre. L’impact environnemental n’est donc pas neutre. L’eau utilisée doit ensuite être traitée car elle est souvent salée et contient métaux lourds et additifs chimiques. Ce sont les stations d’épuration des communes qui sont alors utilisées mais celles-ci ne sont pas équipées pour
traiter ce style d’effluents.

Les risques :
·  L’eau :
 la pollution de l’eau :
Les liquides de fracturation s’échappent parfois par des failles dans le coffrage du puits, atteignant des sources ou des roches poreuses par lesquelles ils s’infiltrent parfois avec du gaz jusqu’à atteindre des nappes phréatiques et à remonter dans les tuyaux, mêlés à une eau plus potable du tout, l’eau acheminant alors les produits chimiques injectés avec elle dans les puits.
Aux Etats-Unis, l’agence fédérale Environmental Protection Agency (EPA) a lancé il y a quelques mois une étude de fond. Les habitants de Pavillion (Wyoming), par exemple, ne doivent plus boire l’eau du robinet, polluée au benzène, au 2 Butoxyéthanol et à d’autres toxiques liés à une exploitation voisine de gaz de schiste. Gasland, film documentaire sorti cette année aux Etats-Unis, montre les répercussions de la fracturation hydraulique sur les riverains des puits : maladie, nappes phréatiques polluées et même dans une scène hallucinante, l’eau du robinet qui s’enflamme.

Le docteur Wilma Subra en Louisiane a réussi à prélever des échantillons des eaux usagées. Dans ses éprouvettes, elle a énuméré plus de 596 substances chimiques dont plusieurs ont des effets dramatiques sur la santé (cancérigènes tels que l’éthylbenzène, perturbateurs endocriniens comme le diéthylène glycol).
Pour chaque “frack”, deux cents allers retours de camions sont nécessaires au transport des matériaux de chantier, de l’eau, puis du gaz. De quoi transformer n’importe quelle nationale en autoroute. Sans compter les rejets de CO2 des raffineries, le bruit généré par le site et la transformation du paysage environnant.
 La consommation d’eau :
Une consommation extrêmement importante d’eau est nécessitée par cette exploitation (7 à 15000 mètres cube par fracturation.

·  La pollution de l’air :
Lors de la séparation gaz/liquide de fracturation, il y a émanation de vapeurs
d’hydrocarbures : CO2, NOx et autres gaz à effet de serre.
On observe sur les zones concernées : pics d’ozone, smog, pluies acides,…
Exposés à des quantités importantes d’ozone, de soufre, de gaz naturel ou d’éther, les habitants de Dish (ville texane) ressentaient plusieurs fois par jour nausées, maux de tête, vomissement… jusqu’à des affections respiratoires : 58% des personnes observées souffraient de problèmes de sinus (docteur Wilma Subra). Sans compter les rejets de CO2 des raffineries, la circulation de milliers de camions et le bruit généré par le site.

·  la transformation du paysage : puits de gaz de schiste tous les 200 mètres…
Et le Grenelle de l’environnement… :
La technique de la fracturation hydraulique va à l’encontre de certains engagements arrêtés par le Ministère de l’Écologie qui a pourtant signé l’attribution des permis. Le Grenelle doit, par exemple, protéger les sources d’eau potables et les écosystèmes sensibles. Le Grenelle doit aussi réduire la gestion des émissions de gaz à effet de serre. La région choisie étant frappée d’une sécheresse endémique, tout particulièrement en Ardèche et en Drôme, les quantités d’eau à mobiliser sont incompatibles avec le principe de préservation des ressources aquifères énoncé à l’article 27 du même Grenelle. Un observateur aveyronnais fait aussi remarquer que le Larzac est une énorme réserve d’eau:

quels seraient les risques pour les nappes phréatiques ? « le Larzac est considéré comme le château d’eau de toute la région sud de la France » (José Bové). Le risque est clairement identifié comme on nous le confie au ministère de l’Ecologie : “le problème de l’approvisionnement en eau nécessaire à l’exploitation des gaz de schiste se posera à un moment ou à un autre.”

Sources : http://www.ifpenergiesnouvelles.fr/ / Première réunion publique d’information sur les gaz de schiste qui avait lieu fin décembre 2010 à St Jean de Bruel.

(108)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.