Echec climatique
La croissance des émissions mondiales de CO2, et l’accélération du réchauffement global, démontrent que les décisions prises à ce jour, n’ont pas permis de réduire le risque climatique, en dépit des alertes des experts climatiques[1].
Le dernier livre de J. Diamond, Effondrement[2], permet d’expliquer cet échec collectif.
Le chapitre 14 de ce livre « Pourquoi certaines sociétés prennent-elles des décisions catastrophiques ? », propose des raisons, sans doute mêlées, qui contribuent au comportement erroné des individus et des groupes humains, face à la catastrophe climatique annoncée.
1°) Nouveauté du risque
« Les groupes peuvent causer des catastrophes parce qu’ils ne parviennent pas à anticiper un problème avant qu’il ne survienne, et ce pour plusieurs raisons. L’une est qu’ils peuvent ne pas avoir d’expérience antérieure de problèmes similaires et ne sont donc pas sensibilisés à la possibilité qu’ils adviennent. »
Le réchauffement climatique constitue une menace nouvelle dans l’histoire récente de l’humanité, et à défaut d’expérience antérieure, les mesures d’atténuation et d’adaptation mises en place, peuvent à tout moment se révéler totalement insuffisantes ou inappropriées.
2°) Difficulté à percevoir le risque
« La circonstance la plus répandue d’un échec de perception est celle d’une tendance lourde marquée par des fluctuations.
Le réchauffement global en est l’exemple de choix à l’époque contemporaine.
Les hommes politiques parlent de « normalité rampante » pour désigner ce type de tendances lentes, oeuvrant sous des fluctuations bruyantes. »
Le réchauffement global est difficile à percevoir individuellement, car l’augmentation des températures se déroule d’une manière erratique et très progressive, sauf pour quelques régions plus affectées mais faiblement peuplées, comme la région arctique.
Le fait que le dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre, soit inodore et incolore, rend difficile la perception des rejets dans l’atmosphère.
La difficulté à percevoir directement le risque climatique, constitue peut-être la première raison pour laquelle une majorité de gens de par le monde, doute encore de la réalité de la menace climatique et de leur responsabilité individuelle.
3°) Priorité donnée à la rationalité interne
«Le troisième chapitre de mon guide des échecs est le plus nourri, car traitant d’une situation la plus courante : souvent les sociétés échouent même à résoudre un problème qu’elles ont perçu.
Beaucoup de raisons tiennent à ce que les économistes et d’autres spécialistes de sciences sociales appellent le « comportement rationnel », fruit de conflits d’intérêts. »
L’idéologie de la croissance économique et de la confiance dans les Marchés pour réguler les impacts environnementaux de cette croissance, constituent des rationalités internes souvent privilégiées, au détriment d’une rationalité externe, garante de la sauvegarde de l’intérêt général.
Dans la longue chaîne des « décideurs » (élus, entrepreneurs, fonctionnaires.) combien sont ceux qui prennent des décisions contraires à la sauvegarde du climat, bien qu’informés des risques, au nom d’une rationalité interne?
« Il y a aussi, la plus importante des forces qui affectent la sottise politique, c’est la soif du pouvoir.
La compétition pour le prestige fait rarement bon ménage avec la vision à long terme. »
4°) Déni de la menace climatique
« La dernière raison spéculative que je mentionnerai pour expliquer l’échec irrationnel dans les tentatives menées pour résoudre un problème que l’on perçoit est le déni d’origine psychologique.
Si une chose perçue suscite en vous une émotion douloureuse, elle sera inconsciemment supprimée ou niée, afin d’éviter cette douleur, angoisse ou peur, quitte à ce que le déni conduise à des décisions désastreuses. »
Sans doute, la menace climatique suscite-t-elle un déni chez de nombreux individus, ou système humain, déni renforcé par les médias, qui sont le plus souvent au service d’une rationalité interne.
Il est à craindre que l’augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes (ouragans, canicules.), soit seule à même de renforcer la perception individuelle de la menace climatique.
D.DELESTRE
[1]Experts du GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat) sous l’égide de l’ONU
[2] Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Jared Diamond. Gallimard. 2006
source : http://www.futura-sciences.com/
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