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A Iakoutsk, les scientifiques prévoient un refroidissement du climat

Grand Nord – A l’Institut du permafrost, les certitudes occidentales sont froidement mises à mal.

Pavel Zabolotnik, grand russe à la barbe hirsute, ne fait pas grand cas des présentations. A peine arrivés à l’Institut Melnikov du permafrost à Iakoutsk, cet ingénieur en géologie et cryologie nous tend de gros anoraks, sans nous donner davantage d’explications. Ni une ni deux, nous empruntons des escaliers de bois qui vont nous mener sous l’institut, dans un dédale de couloirs et de pièces dont les murs et les sols sont complètement recouverts de glace et de givre.

L’ingénieur commence la visite en nous présentant la réplique d’un bébé mammouth trouvé dans le permafrost. L’original se trouve à Saint-Pétersbourg. Il nous introduit alors auprès des ossements, fossiles, graines et végétaux, désormais hautement convoités, que renferment ces étendues de glaces souterraines. Autant de trésors qui constituent une aubaine scientifique, car ces reliques si bien conservées dans ce congélateur naturel permettent, à l’aide de techniques de datation, de reconstituer l’histoire de la vie dans ces régions. Leur analyse révèle comment l’évolution du climat a modifié la répartition et la succession des espèces végétales et animales.

Environnements ultra-sensibles

La visite se poursuit quelques étages plus bas, à 14 m au-dessous du sol, dans un tunnel sombre où la température est constamment à – 8 °C. Notre arrivée l’a fait instantanément monter à – 7 °C; c’est dire si ces environnements sont sensibles!

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L’Institut du permafrost, lieu hautement symbolique à Iakoutsk, ville la plus froide du monde, a été créé en 1960. Et c’est depuis 1962 qu’il occupe les locaux très soviétiques que nous visitons. Le permafrost, que les Français appellent pergélisol, s’étend sur un tiers du territoire russe, rappelle notre guide. Avec la hausse des températures, il a commencé à fondre à certains endroits du monde, et la région de Iakoutsk est particulièrement sensible.

Les enjeux liés à ce phénomène sont divers. Pour les habitants de Iakoutsk et de la région, la fonte du permafrost a un impact direct sur leur quotidien car la fragilisation des sols déforme les routes et déstabilise les bâtiments, ce qui accélère leur effondrement. À une échelle globale, la fonte du permafrost libère la matière organique piégée dans le sol qui, une fois dégelée, entame son processus de décomposition. Processus qui dégage des quantités astronomiques de C02 et de méthane, puissants gaz à effet de serre.

«Ce n’est pas important»

Les mesures de température indiquent effectivement une hausse générale, explique Pavel Zabolotnik. Pour la région de Iakoutsk, + 6 °C sur la moyenne des températures annuelles depuis 1830. En tant qu’ingénieur spécialisé dans les constructions sur le permafrost, s’inquiète-t-il pour sa région? Sa réponse est pour le moins inattendue: «Il y a les pessimistes, les optimistes et les réalistes! Je suis un réaliste. Que la température se réchauffe de 2, 3 ou 4 °C n’est pas important pour autant que la moyenne annuelle reste négative.» Les bâtiments fissurés, les bosses sur les trottoirs et les routes qui s’affaissent sont uniquement dus à des problèmes de construction et d’entretien des conduites aériennes de chauffage et n’ont aucun lien avec la fonte du permafrost, précise-t-il.

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Mais alors, comment expliquer les hausses moyennes de températures annuelles qui ont bel et bien été enregistrées ici comme ailleurs dans le monde? Pavel Zabolotnik, tout comme les deux codirecteurs de l’institut, Victor Chepelev, et Mikhaïl Grigoriev, que nous rencontrons après être remontés frigorifiés des sous-sols, ont une réponse sans équivoque. C’est le soleil qui est le responsable du réchauffement du climat, et ce réchauffement est temporaire.

L’impact humain nié

Tiens? C’est exactement la même explication que nous avait donnée la veille Sergueï Anatolievitch Starodoubtsev, directeur de l’Institut de cosmologie de Iakoutsk, lui aussi au style très soviétique. Le scientifique n’avait d’ailleurs pas hésité à nous assurer que l’on allait prochainement assister à une baisse des températures. «Si vos glaciers reculent en Suisse, les nôtres avancent», nous avait-il affirmé pour conforter sa thèse.

Cette explication du rôle du soleil est très répandue chez les climatosceptiques qui ne reconnaissent pas celui, prépondérant, des activités humaines dans les changements climatiques. Une position totalement contraire à celle du GIEC, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat, qui analyse depuis vingt ans les variations du rayonnement solaire et estime leur rôle marginal dans l’évolution des températures.

D’ailleurs, nous précisent avec aplomb nos interlocuteurs, «depuis une dizaine d’années, la tendance est au refroidissement, le réchauffement est terminé. Vous savez, concluent les deux codirecteurs à peine provocateurs, il n’y a rien d’anormal dans ce qui se passe, mais le réchauffement climatique est un thème très rentable pour les scientifiques occidentaux. Ils obtiennent beaucoup de financement pour l’étudier et chercher des solutions!» (24 heures)

source complête : http://www.24heures.ch/

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