De l’eau douce en pleine mer
Face aux problèmes de l’eau douce et aux sécheresses de plus en plus fréquentes dans un monde toujours plus industrialisé, une solution existe pour récupérer de l’eau douce ignorée jusqu’à lors : celle des sources d’eau douce qui se jettent en pleine mer.
Au milieu de l’étang de Thau, près de Sète, des chercheurs étudient les résurgences d’eau douce. Ces dernières sont assez nombreuses sur le pourtour Méditérranéen et existent partout dans le monde où des régions calcaires bordent la côte (Golfe du Mexique, Irlande, Madagascar, Australie, Vietnam, Nouvelle-Zélande…).
Les sources sous-marines sont pour la plupart connues depuis longtemps des pêcheurs et marins. La mer change d’aspect dans leur voisinage, à cause des différences de densité entre eau douce et eau de mer, et aussi à cause des variations de leur débit. Si les chercheurs essaient de développer un automate sous-marin, c’est plus pour aller faire des mesures et les répéter que pour détecter de nouvelles sources. Les mesures pourront servir à évaluer le débit et la qualité de l’eau de ces sources.
Leur origine est relativement facile à déterminer, car elles sont situées assez près des côtes, à faible profondeur (entre 0 et 50 m). Elles sont toutes associées à des massifs carbonatés qui dominent les côtes. Dans les terrains calcaires, l’eau d’infiltration chargée en dioxyde de carbone dissout la roche et cet écoulement aboutit à la formation d’un réseau souterrain de conduits (réseau karstique). Ce réseau souterrain se met en place en se basant sur le niveau le plus bas des calcaires dans le paysage : c’est le niveau de base où apparaît la source. Dans le cas de ces sources d’eau douce en mer, l’eau douce circule donc dans l’aquifère karstique littoral, emprunte des conduits situés sous le niveau de la mer et ressort en profondeur.
Les glaciations du Quaternaire (début à -1,75 Ma ; 1 Ma= 1 million d’années. Fin à -10 ka ; 1 ka = 1000 ans) ont provoqué des abaissements de l’ordre de 100 à 150 m du niveau marin; le plus important fut au cours de la dernière glaciation, le Würm (entre -80 et -10 ka), avec un niveau bas vers -120 m vers -20 ka. Des réseaux karstiques ont pu se développer sur ce niveau bas, mais seulement dans les régions où le climat n’était pas trop froid et permettait l’écoulement des eaux (régions méditerranéennes chaudes et régions tropicales). Ailleurs, le gel empêchait l’infiltration et donc les écoulements souterrains. On connaît des grottes avec des stalagmites, maintenant noyées dans les Grandes Antilles (Porto Rico, Cuba, Dominicanie, Jamaïque).
En Méditerranée, il s’est produit un phénomène extraordinaire, au Messinien, (-5,5 Ma, fin du Miocène). Le détroit de Gilbraltar, sous la poussée de l’Afrique, s’est refermé (n°365 de La Recherche, consacré à la Terre). Comme en Méditerranée, l’évaporation l’emporte largement sur les apports d’eau douce par les fleuves, le niveau de la mer, ne recevant plus l’eau de l’Atlantique, s’est abaissé très vite de plus de 1000 m. Ainsi, dans la région d’Avignon, le Rhône coulait environ 800 m sous son niveau actuel. Toutes les rivières avaient creusé des gorges très profondes qui ont ensuite été remplies de sédiments détritiques, surtout des argiles et des limons, après la remontée de la mer, environ 500 000 ans plus tard. Les conduits du karst s’étaient développés jusqu’au niveau les plus bas des calcaires (les affleurements calcaires autour de la Méditérrannée). Une fois l’eau remontée, les galeries se sont retrouvées sous le niveau marin, certaines ont été bouchées par les sédiments, d’autres sont restées béantes.
Dans le cas de l’exploitation des aquifères karstiques littoraux, c’est encore plus difficile, du fait de l’existence de conduits parfois largement ouverts qui laissent pénétrer l’eau de mer très facilement. Le procédé de captage expérimental mis en place par la société Nymphéa Water a pour but de tester les conditions d’isolement de la source pour en récupérer l’eau douce sans faire pénétrer l’eau salée. Une autre méthode est d’implanter des forages à terre, dans lesquels les débits de pompage sont faibles ; mais les forages donnent des résultats trop aléatoires et présentent trop de risques de salinisation pour être utilisés systématiquement. Dans tous les cas une surveillance en continu de la salinité de l’eau prélevée est indispensable pour éviter la salinisation.
Unique en son genre, la toute jeune société française Nymphea Water recherche et capte de l’eau douce en pleine mer. L’exploitation de sources off shore s’inscrit comme une véritable alternative économique aux usines de dessalement. De nombreux pays côtiers, notamment africains, sont intéressés.
C’est avec le réchauffement de la planète, impliquant la montée du niveau de la mer, que certaines sources, qui coulaient jadis à la surface de la terre, se sont retrouvées noyées sous les eaux salines. » Nous trouvons différents cas de figure. L’eau peut être parfaitement douce ou plus ou moins saumâtre « , explique Paul-Henry Roux, directeur du développement de Nymphea Water. » Mais même jusqu’à 5 grammes de sel par litre, une eau reste intéressante à exploiter. Nous pourrions fournir les usines de dessalement qui doivent habituellement traiter une eau de mer à 38g par litre « .
sources : http://www.afrik.com/ / http://www.ens-lyon.fr/
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