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Le Marché du CO2

Quelques jours après l’ouverture du marché des quotas de CO2 en janvier 2005, les industriels français ont été conviés à une réunion d’information. Les enjeux de ce marché ont été présentés ainsi que les solutions existantes (fonds carbone européen, future plate- MDP, MOC) ou à venir (plate-forme de trading) pour acheter des crédits d’émission. Bienvenue dans l’ère de la marchandise du CO2…

Depuis le 1er janvier 2005, le marché des quotas de CO2 a été officiellement ouvert mais il ne sera véritablement actif que lors l’affectation des quotas aux entreprises sur le registre tenu par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) le 28 février 2005. Force est de constater que ces derniers ont encore du mal à trouver leurs marques. Pourtant les enjeux sont planétaires et si rien ne change, les émissions vont augmenter de 60% entre 2000 et 2030 (chiffre AIE). Mais alors, que peut on dire de ce nouveau marché ? Le droit de polluer est ouvert dans les Bourses, voici un tournant qui ne pourra qu’être historique.

 

Les accords de la conférence sur les changements climatiques de Kyoto avaient instauré officieusement un droit à polluer. Le principe était le suivant, les pays les plus pollueurs devaient compenser les rejets gazeux par la mise en oeuvre de puits de dioxyde de carbone.
Ces puits sont par exemple des forêts sensées fixer le CO2 grâce à la photosynthèse mais également nous l’avons vu dans un article précédent l’océan !

Ces accords ont en fait donné naissance à des enjeux contradictoires. Des enjeux écologiques : la protection de l’environnement et la diminution de la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Des enjeux économiques : le droit à polluer d’une part, d’autre part, la création d’un marché de la dé-pollution. Et il semble, alors que la 7ème conférence sur les changements climatiques (à Marrakech) vient d’avoir lieu, que seuls les enjeux économiques intéressent vraiment les industriels.
Ainsi, outre le fait qu’ils ne limitent plus leur émission de gaz à effet de serre (droit à polluer), ils investissent dans la recherche et brevettent des méthodes plus ou moins efficaces de puits à CO2 (et s’enrichissent sur ce droit).
Il y a quelque jours, nous nous faisions l’écho de brèves de l’A.F.P. évoquant la plantation d’arbres par PSA Peugeot Citroën.

Vous l’avez compris les industriels vont pouvoir jouer sur des outils « écologiques » pour avoir le droit de polluer. Ils auront la possibilité d’acheter des droits de polluer à des entreprises qui ont des quotas au dessus de leur degré de pollution pour pouvoir polluer toujours autant qu’avant.

Cet outil du droit de polluer ne sert que la finance mondiale qui peut dore et déjà se frotter les mains. Mais en vérité le CO2 continue d’être émis.

Le système des permis d’émission est un moyen de « mettre de l’huile dans les rouages » pour permettre à un ensemble d’entreprises d’atteindre un objectif collectif que l’on a fixé par ailleurs. Imaginons que l’on demande à toutes les entreprises de diminuer leurs émissions de 10%.

L’entreprise A n’a pas de problème pour cela. En fait, elle pourrait même aller assez facilement jusqu’à 20% de réduction. Par exemple, elle produit son électricité sur place à base de charbon et va remplacer cette vieille unité par une centrale à gaz.

L’entreprise B va avoir beaucoup de mal à faire mieux que 5%, quels que soient ses moyens financiers : c’est une entreprise de transport, et il n’y aura pas de camions économes disponibles avant 2 ans.

L’idée du permis négociable est que l’entreprise A et l’entreprise B « s’arrangent entre elles » pour que le résultat de A+B soit effectivement une baisse de 10%. Concrètement, A va « vendre » à B les économies que A peut faire facilement et B très difficilement.

On voit tout de suite que le système reste globalement équilibré : un permis ne peut s’acheter qu’auprès d’une entreprise qui a dépassé ses objectifs et qui vend le « dépassement » à une entreprise qui peine.

Dans la pratique, A et B ne se connaissent pas nécessairement, de même qu’un acheteur et un vendeur ne se connaissent pas nécessairement avant la vente. Il faut donc organiser un « marché » où les entreprises qui font facilement des économies puissent les vendre à celles qui en font difficilement. C’est ce « marché », avec une description de la manière dont les « économies » peuvent s’échanger, et dans quelles limites, qui s’appelle un système de permis d’émission.

Il n’y a rien d’immoral là-dedans : c’est un simple moyen de lisser les disparités.

On peut aussi organiser un marché entre pays : certains pays vont pouvoir aller au-delà de leurs engagements, d’autres n’y arriveront pas.

Ils ont stigmatisé cette idée en parlant de « droits à polluer », qui seraient inacceptables. Il faut bien voir que le « droit à polluer » s’applique déjà partout dans notre vie quotidienne :

– la « redevance pour eaux usées » de nos factures d’eau n’est rien d’autre qu’un « droit à polluer »,

– acheter de l’essence n’est rien d’autre que de payer « un droit à polluer » (l’essence pollue !),

– la taxe pour l’enlèvement des ordures ménagères est un « droit à polluer »,

– etc.

Les directions des centrales électriques l’adorent. Les pouvoirs publics en sont fous. Les agents de change en rêvent. Quand on évoque le marché des droits à polluer aux Etats-Unis, tous les interlocuteurs sans exception vantent les vertus de « la main invisible » – qui régule comme par magie offre et demande – capable de réduire, au moindre coût, le taux de pollution.

Pour la première fois, l’air, ressource universelle, devrait devenir une valeur marchande. L’Europe s’est convertie : pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, elle a décidé d’utiliser entre autres moyens un marché des « droits à polluer ». La Commission vient de présenter les grandes lignes de ce que pourrait être ce système, la France a annoncé en janvier qu’elle y recourerait, le Danemark est prêt, le Royaume-Uni le sera bientôt.

Jusqu’alors très réticente, l’Europe a accepté ce compromis avec les Etats-Unis pour éviter un échec de la négociation sur le climat. Les pays industrialisés ont décidé à Kyoto en décembre 1997 de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échéance 2012. Pour atteindre cet objectif, plusieurs moyens sont envisagés par le protocole : des mesures contraignantes, comme les taxes et les réglements, et des mécanismes d’échanges entre pays faisant appel au marché. « En fait, nous avons découvert que la contrepartie à des objectifs chiffrés de réduction des émissions était un dispositif de flexibilité qui soit économiquement viable », explique Michel Mousel, président de la mission interministérielle de l’effet de serre.

Le droit de polluer donnera le droit de jouer avec les puits de carbone mais seront ils capables d’absorber tout le CO2 ?

Sources : http://www.energie-plus.com/ / http://sciencesnat.ouvaton.org/ / http://www.fnh.org/francais/faq/effet_serre/permis.htm /http://www.fsa.ulaval.ca/

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