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La gestion post-Fukushima : une prouesse japonaise ?

Au Japon, on assiste à une mobilisation de guerre depuis 3 ans.Toutes les forces sont à pied d’oeuvre. La France n’aurait sans doute pas fait aussi bien.

Il faut saluer bien bas l’effort collectif inouï que poursuivent depuis trois ans les maires, les autorités sanitaires, les services de l’Etat, les professions agricoles, les ingénieurs et la plupart des résidents de la préfecture de Fukushima. A la question de savoir si nous ferions aussi bien que les Japonais en cas de crise similaire sur notre sol, bien malin qui peut répondre avec assurance. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jacques Repussard, directeur général de l’IRSN (l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), doute fortement de la capacité de services de l’Etat à se mettre en ordre pour faire face à un accident nucléaire majeur.

Tout ceci fait suite au Tsunami et au tremblement de Terre du 11 mars 2011 qui fut suivi de la catastrophe nucléaire du 15 mars 2011, le Japon doit se prémunir d’une future catastrophe nucléaire


Au Japon, on assiste depuis trois ans à une mobilisation de guerre. Toutes les forces civiles, politiques, économiques sont à pied d’œuvre sur ce front nord de l’archipel. Et toutes sont financées à fonds perdus par l’Etat nippon qui ne cesse de renflouer la désagrégation financière de Tepco, l’EDF japonais. Le chantier est énorme. Il faut :

indemniser les 170.000 évacués

nationaliser des terres

payer un surcoût de l’électricité industrielle de 15% à 20%

rehausser le niveau de sûreté sur les autres centrales en construisant de véritables fortifications médiévales en béton autour des sites

décontaminer les champs en recrutant des milliers d’hommes de long en large de l’archipel

mener des études épidémiologiques d’une ampleur inédite sur deux millions de personnes dont 360.000 enfants pendant 30 ans

importer sans compter du gaz et du pétrole pour suppléer à l’arrêt complet de toutes les centrales nucléaires depuis trois ans

continuer les travaux de démantèlement de la centrale, elle-même qui fuit de partout

Des travaux d’Hercule

Un chantier pharaonique qui n’en est qu’à ses débuts. Que faire des eaux encore contaminées au tritium qui s’accumulent dans les containers rouillés du site ? Comment empêcher les fuites souterraines à proximité du corium qu’il faut arroser en permanence pour le refroidir ? Comment éviter la radioactivité extrême des sédiments marins et la contamination de la chaîne alimentaire marine ?


Des travaux d’Hercule dont on imagine mal l’ampleur mais également le terme.  Car la décontamination, centimètre carré par centimètre carré des terres agricoles des parcs et jardins, des toits, des gouttières, des cours de récréation, des égouts, sur une centaine de kilomètres carrés est un exercice aussi minutieux qu’interminable et imparfait. L’objectif officiel d’une exposition qui ne dépasse pas un millisievert (l’unité de mesure des effets des radiations) pour irréaliste qu’elle fut à l’origine ne sera jamais tenue. Ce qui provoque d’ailleurs l’incompréhension des populations.

Songez que les arboriculteurs du nord de la zone de Fukushima ont dû décontaminer arbre par arbre et feuille par feuille, au Karcher, le césium déposé sur les plaqueminiers (les arbres à kakis). Partout, on trouve des « Big Bags » remplis d’herbe, de terre et de feuilles contaminées (sur une vallée entière !) qui devront être transportés un jour vers un site ultime immense de débris radioactifs. Ce devait être en début d’année mais on en est loin.

Personne ne connaît les retombées pathologiques

Pour les forêts touchées par le panache (415 km2), il n’y a rien à faire. Ces massifs sont comme à Tchernobyl : laissés à leur sort. Impossible ici de scalper et de décaper le sol imbibé de radionucléides. Il faudrait déforester, retourner le sol et provoquer une catastrophe écologique majeure. C’est d’autant plus risqué, que le sol contaminé ne serait plus fixé par la végétation. Il dévalerait les pentes vers les rivières au moindre orage. C’est rassurant pour l’esprit mais c’est aller bien vite en besogne de considérer que le retour des 170.000 personnes déplacées est engagé.


Ni la zone rouge ni la zone orange n’est accessible, pour une période indéterminée, qui pourrait bien être séculaire tant les radiations sont fortes (au dessus de 20 voir 50 millisieverts). Seule la zone dite verte (cela représente 11 communes) qui est exposée à des radiations de moins de 20 millisieverts, devrait bénéficier d’une autorisation progressive de retour permanent.

Reste à savoir qui reviendra sur ces terres dévaluées, dans ces maisons fantômes et dans ces zones commerciales à moitié en ruine. Des personnes âgées répondront sans doute à l’appel, mais on peut douter que des jeunes, des couples et des familles courent le risque d’un retour. D’autant que personne ne connait encore les retombées pathologiques, notamment sur la thyroïde des personnes exposées. A Tchernobyl, la maladie s’est révélée quatre à cinq ans plus tard.

Loin des yeux, l’effroi est moins radioactif

Non, Fukushima ne reviendra pas de sitôt à la situation qui prévalait avant l’accident. Le césium a une demie vie de trente ans et il faudra un bon siècle et demi pour que les radiations cessent d’être une menace pour le retour à une  vie « comme avant ». Personne n’est dupe à Fukushima : il n’y a pas de retour possible au statu quo ante. Il va falloir vivre avec les risques nouveaux, les points chauds, les contrôles médicaux, les contrôles radioactifs permanents sur les fruits, les légumes, le riz, les nappes, les cours d’eau…

La sûreté nucléaire aussi a dû réviser tous les fondamentaux (noyaux durs, force d’intervention rapide …) au Japon. Mais aussi en France et dans toute l’Europe, à l’initiative de l’IRSN et de l’ASN (l’autorité de sûreté nucléaire). Même les énormes sottises formulées par Eric Besson, le Ministre de l’énergie de l’époque, seraient, on l’espère, impossibles aujourd’hui. Encore que, rares ont été les protagonistes de la politique énergétique française à faire comme lui le voyage de Fukushima. Henri Proglio, PDG d’EDF et partisan d’un allongement de la vie de nos propres centrales de 40 à 60 ans (voire d’avantage) n’y est lui jamais allé.

Pratiquement aucun de nos hommes et de nos femmes politiques, qui dirigent un pays dont 75% de l’électricité est d’origine nucléaire (ce qui n’existe nulle part ailleurs), n’a fait le voyage. Quasiment aucun n’a parcouru la zone avec un compteur Geiger (l’outil qui sert à mesurer un grand nombre de rayonnements ionisants) qui couine en permanence. Voir de loin ou s’informer sur fiche, c’est tellement plus simple. C’est tellement plus efficace pour garder la tête froide à l’heure des choix. Au fait, la loi sur la nouvelle politique énergétique de la France doit être bouclée avant Noël 2014.

Mais tout ceci reste un travail de titan : Une population sacrifiée :

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source : http://tempsreel.nouvelobs.com/

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