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Une énigme solaire résolue ?

Comment le Soleil parvient-il à chauffer à près de deux millions de degrés sa couronne – en quelque sorte son atmosphère – alors que sa surface n’est qu’à 6.000°C ?

Cette question, les astrophysiciens se la posent depuis plus de 60 ans l’orsqu’ils ont pu mesurer ces deux températures. Une question logique: comment le chaud peut-il venir du froid ? Une question également pratique et non seulement académique. Car c’est la température très élevée de cette couronne qui propulse le vent solaire, fait de particules électriquement chargées, très loin dans l’Espace et en particulier jusqu’à l’orbite terrestre, où il frappe notre planète et provoque notamment les aurores boréales.

Or, ce matin, dans la revue Nature, un trio de physiciens français Tahar Amari et Jean-François Luciani du Centre de physique théorique de l’École polytechnique, associés à Jean-Jacques Aly (CEA et Université Denis Diderot) propose une solution inattendue à cette énigme majeure. Ils coupent ainsi l’herbe sous le pieds des équipes d’astrophysiciens qui s’affrontent depuis des décennies dans une compétition acharnée pour décrocher le mérite de la résolution de cette énigme historique.

L’origine de l’énergie qui chauffe cette couronne ne fait pas de doute depuis également longtemps. il faut aller la chercher dans le Soleil, qui a de quoi puisque son cœur est à 15 millions de degrés, en raison des réactions de fusion thermonucléaire qui s’y déroulent. Et nécessairement dans son activité magnétique. Mais la manière dont elle parvient à la couronne et s’y transforme en chaleur demeurait mystérieuse.

Ce sont les turbulences permanentes du «tapis magnétique» couvrant la surface du Soleil qui seraient responsables de ce chauffage. Son équipe avait utilisé les cartes magnétiques du Soleil que Soho réalise toutes les quelques minutes. Ces cartes ont révélé un intense bouillonnement lié aux courants de matière qui s’agitent sous la surface de l’astre. Ils donnent naissance à des petites boucles magnétiques qui disparaissent en quarante heures en moyenne. Une sorte de déséquilibre permanent capable de fournir l’énergie suffisante au chauffage de la couronne lorsque les lignes de force des champs magnétiques s’y dissipent, à grand renfort de courts-circuits  électriques et magnétiques. Pourtant, dès l’annonce, Roger-Maurice Bonnet tempérait : «On a trouvé l’origine de l’énergie, mais elle est sous forme magnétique, il faut encore découvrir le mécanisme qui transforme cette dernière en chaleur.»

tornades-solaires

La solution proposée par Tahar Amari, Jean-Francois Luciani et Jean-Jacques Aly, fait appel à une mince couche, juste sous la surface du Soleil, qui fonctionne comme une casserole chauffée sur une cuisinière. Elle est fondée sur la confrontation entre un modèle théorique, des observations spatiales et des calculs sophistiqués sur les ordinateurs du Centre de physique théorique de l’École Polytechnique et sur le supercalculateur IDRIS du CNRS.

Cette «casserole» chauffe le gaz constituant le Structure du Soleil, un fluide conducteur d’électricité. En utilisant des formules très imagées Amari explique que ce fluide fonctionne comme une sorte de «mangrove», assimilant sa base au milieu vaseux où prennent racines une végétation qui monte haut dans le ciel. Un magma bouillonnant et turbulent où se produit un phénomène dynamo et où prennent naissance des racines magnétiques qui vont émerger dans l’atmosphère solaire, et rejoindre très haut le champ magnétique à plus grande échelle – décrit par le physicien comme des «troncs d’arbres ou branches magnétiques» de la mangrove.

Ces racines sont le lieu d’éruptions multiples qui vont chauffer en permanence la chromosphère – la zone située sous la couronne. Puis la propagation d’ondes le long des «troncs» explique comment cette énergie magnétique et électrique du Soleil s’élève vers la couronne. Quant à la chaleur, elle provient de la dissipation de ces ondes magnétiques permanentes en altitude.

La force du modèle de l’équipe d’Amari est qu’il parvient à expliquer la quantité d’énergie nécessaire au chauffage de la chromosphère et celui de la couronne, avec près de 4.500 watts par m² dans la chromosphère et 300 watts par m² dans la couronne. Et qu’elle explique également de nombreux phénomènes, baptisés « tornades », ou « spicules » que les équipes concurrentes estimaient responsables du chauffage de la couronne.

Ci-dessous une vidéo montrant Tahar Amari utilisant le système de réalité virtuelle permettant de visualiser le fonctionnement du modèle théorique de la « mangrove solaire » d’après les calculs informatiques.

TDF
source : http://sciences.blogs.liberation.fr/

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