Re: Les hivers mémorables d'antan
Posté : 21 nov. 2017, 16:46
Le terrible Hiver 1788 / 1789.
Parmi les nombreux hivers rigoureux qui jalonnent le "Petit Age Glaciaire", en voici un qui occupe une place privilégiée dans le domaine de la Climatologie, aussi bien que dans celui de l'Histoire de France.
Nombre d'historiens s'accordent à penser que l'hiver 1788-1789 a considérablement contribué à la Révolution Française de l'été suivant.La température ressentie par l'Homme n'est pas qu'une simple affaire de thermomètre : les conditions sociales (logement, alimentation, habillement) jouent un rôle prédominant dans la lutte contre le froid.On connaît les conditions de vie de l'époque.voici quelques chiffres qui peuvent aider à apprécier l'intensité du froid supporté par nos ancêtres en ce mois de décembre 1788.
-6.8°c de température moyenne (Observatoire de Paris) pour le mois de décembre 1788 ; ce mois est, depuis au moins 1757 le second mois le plus froid en France ; le record est attribué à décembre 1879 avec, toujours à Paris, une moyenne de -7.9° ! Pour établir une comparaison, les plus anciens se souviennent certainement du glacial février 1956, qui n'affiche pourtant "que" -4.6° de température moyenne à Paris ; plus près de nous, janvier 1985 (qui a fait souffrir tant de moteurs Diesel) est à créditer de "seulement" -2.8° ; -2.1° et -2° pour respectivement février 1986 et janvier 1987.Ce chiffre de -6.8° est celui de la ville de Paris. Le froid a de toute évidence été plus intense dans les "montagnes" de la région lyonnaise et stéphanoise (monts du Lyonnais, Beaujolais, Pilat, Forez) : la valeur de -8° à -10° de température mensuelle moyenne est tout à fait envisageable. Voici quelques températures moyennes mensuelles pour les derniers hivers froids de la région :
Janvier 1985 : -4.4° à Verrières-en-Forez (830 m) ; -5.9° à Tarentaise (1000 m).
Février 1986 : -2.7° à Verrières-en-Forez ; -3.7° à Tarentaise.
Janvier 1987 : -4.0° à Verrières-en-Forez ; -4.5° à Grammond (810 m) ; -5.3° à Tarentaise.
"L'hivers a été si long et le froid si vif, qu'aucun homme ne se souvenait d'avoir vu un tel hivers ; le froid commença le 24 novembre 1788, fut si excessif le 31 décembre 1788, 5 et 7 janvier 1789 qu'il surpassa les hivers de 1709, de 1728, 1740 et 1766 ; le dégel arriva subitement le 13 et 14 janvier 1789 ; les rivières débordèrent et plusieurs personnes furent noyées ; on pouvait traversé le Rhône sur la glace, ce qui n'était pas arrivé depuis 1697.
L'hiver rigoureux qui s'est abattu sur la France, comme sur toute l'Europe, est une véritable calamité: de mémoire d'homme, jamais on n'en a connu de pareil. Le plus grand froid que connaissaient les savants était celui de la nuit du 1er au 02 janvier 1709, où le thermomètre était descendu à - 15 degrés . Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1788 cependant, le thermomètre a marqué –30 degrés Il n'y a pas d'exemple d'un aussi grand froid arrivé à Paris, et certainement, le froid de ce dernier mois aura été le plus fort du 18e siècle. Mais si cet hiver est le plus froid, il est également le plus long : la gelée a commencé le 24 novembre et depuis ce jour, le froid est allé en augmentant jusqu'au 25 décembre, qui a connu un léger dégel. Deux jours après, le froid a repris une nouvelle vigueur.
Il est tombé à Paris 9 pouces de neige que la terre, gelée par les premiers jours froids, a conservés. Quant à la Seine, elle est prise par les glaces depuis les derniers jours de novembre. De toutes les provinces du royaume, c'est l'Alsace qui a éprouvé le froid le plus intense. Le 18 décembre, le thermomètre est descendu à –36 degrés à Neuf-Brisach, ainsi que l'a observé le Comte de Caire, colonel du corps Royal du Génie.
Une lettre d’Avignon nous informe qu'il y gèle depuis le 17 novembre. Jusqu'au 19 décembre, le thermomètre s'est maintenu à –3°. A partir du 19, le froid a augmenté progressivement jusqu'au 31, où il est arrivé à –12°. Le Rhône et la Durance sont pris par les glaces, et on peut les traverser à pied.
Cet hiver âpre et prématuré qui, en empêchant une foule d'ouvriers de travailler, augmente la misère des nécessiteux, a également nui à la circulation des subsistances, puisque les cours d'eau ne sont plus susceptibles de navigation et que les moulins situés sur les rivières sont hors de service.
A Paris, la moyenne des températures en décembre tombe à -6,8 °C (au lieu de + 3 °C habituellement) et, la nuit, le thermomètre oscille entre -15 °C et -20 °C. On comptera, de novembre 1788 à mars 1789, 86 jours de gelée (dont 56 consécutifs) : un record toujours inégalé. Le 26 novembre, la Seine s'immobilise à son tour pour de longues semaines, prise jusqu'au Havre. Il faudra attendre le 20 janvier pour voir, à nouveau, le fleuve couler librement.
Sous le Pont-Neuf, un Moscovite de passage, nullement dépaysé, après avoir brisé la glace, plonge et se baigne impunément, sous le regard médusé de centaines de badauds. Le Rhin se traverse à pied comme en voiture à cheval, et les riverains prennent coutume d'emprunter son cours, plus direct que les chemins alentour. Plus au sud, l'embâcle de la Loire ne tarde guère ; le Rhône se prend à Lyon, au souffle glacé du mistral ; la Garonne, à Toulouse.L'hiver étend sa loi aux pays voisins. L'Elbe suspend son cours, le Danube aussi. La Tamise gèle, d'un trait, jusqu'à son embouchure et, pour Noël, se couvre de 65 centimètres de neige. Le flegme des Londoniens ne se trouble pas dans cette ambiance polaire, et l'on voit bientôt apparaître sur le fleuve des rangées de petites boutiques éphémères, promptes à héler le chaland.
Dans les derniers jours de décembre, le froid devient si vif que la mer elle-même commence de geler. Tous les ports de la Manche sont bloqués, emprisonnant les navires dans une banquise que les marées rendent chaotique sans parvenir à la disloquer. On traverse le port d'Ostende à pied, et même à cheval. Jamais, de mémoire d'homme, on n'avait vu cela ! Pas même en 1709. Il n'y a quà Marseille dont le port ne soit encombré de glaçons.
Dans les campagnes, le sol est pris jusqu'à 50 cm de profondeur et, dans l'étau du froid, des blocs de pierre éclatent. L'eau gèle au plus profond des puits ; le vin, dans les caves les mieux protégées. Jusqu'aux cloches des églises qui se fêlent... Dans les vergers, les arbres, raidis par le froid, frissonnent et geignent, les oliviers et les figuiers de Provence, les noyers du Dauphiné, les châtaigniers cévenols...
L'un d'eux, parfois, d'un coup, s'ouvre en deux, gelé. Dans les champs et les bois, l'existence des bêtes sauvages devient précaire ; le gibier se terre au creux des forêts, à bout de ressources. Beaucoup d'oiseaux meurent. Certains affirment même en avoir vu tomber du ciel, foudroyés en plein vol.
A bientôt.
Parmi les nombreux hivers rigoureux qui jalonnent le "Petit Age Glaciaire", en voici un qui occupe une place privilégiée dans le domaine de la Climatologie, aussi bien que dans celui de l'Histoire de France.
Nombre d'historiens s'accordent à penser que l'hiver 1788-1789 a considérablement contribué à la Révolution Française de l'été suivant.La température ressentie par l'Homme n'est pas qu'une simple affaire de thermomètre : les conditions sociales (logement, alimentation, habillement) jouent un rôle prédominant dans la lutte contre le froid.On connaît les conditions de vie de l'époque.voici quelques chiffres qui peuvent aider à apprécier l'intensité du froid supporté par nos ancêtres en ce mois de décembre 1788.
-6.8°c de température moyenne (Observatoire de Paris) pour le mois de décembre 1788 ; ce mois est, depuis au moins 1757 le second mois le plus froid en France ; le record est attribué à décembre 1879 avec, toujours à Paris, une moyenne de -7.9° ! Pour établir une comparaison, les plus anciens se souviennent certainement du glacial février 1956, qui n'affiche pourtant "que" -4.6° de température moyenne à Paris ; plus près de nous, janvier 1985 (qui a fait souffrir tant de moteurs Diesel) est à créditer de "seulement" -2.8° ; -2.1° et -2° pour respectivement février 1986 et janvier 1987.Ce chiffre de -6.8° est celui de la ville de Paris. Le froid a de toute évidence été plus intense dans les "montagnes" de la région lyonnaise et stéphanoise (monts du Lyonnais, Beaujolais, Pilat, Forez) : la valeur de -8° à -10° de température mensuelle moyenne est tout à fait envisageable. Voici quelques températures moyennes mensuelles pour les derniers hivers froids de la région :
Janvier 1985 : -4.4° à Verrières-en-Forez (830 m) ; -5.9° à Tarentaise (1000 m).
Février 1986 : -2.7° à Verrières-en-Forez ; -3.7° à Tarentaise.
Janvier 1987 : -4.0° à Verrières-en-Forez ; -4.5° à Grammond (810 m) ; -5.3° à Tarentaise.
"L'hivers a été si long et le froid si vif, qu'aucun homme ne se souvenait d'avoir vu un tel hivers ; le froid commença le 24 novembre 1788, fut si excessif le 31 décembre 1788, 5 et 7 janvier 1789 qu'il surpassa les hivers de 1709, de 1728, 1740 et 1766 ; le dégel arriva subitement le 13 et 14 janvier 1789 ; les rivières débordèrent et plusieurs personnes furent noyées ; on pouvait traversé le Rhône sur la glace, ce qui n'était pas arrivé depuis 1697.
L'hiver rigoureux qui s'est abattu sur la France, comme sur toute l'Europe, est une véritable calamité: de mémoire d'homme, jamais on n'en a connu de pareil. Le plus grand froid que connaissaient les savants était celui de la nuit du 1er au 02 janvier 1709, où le thermomètre était descendu à - 15 degrés . Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1788 cependant, le thermomètre a marqué –30 degrés Il n'y a pas d'exemple d'un aussi grand froid arrivé à Paris, et certainement, le froid de ce dernier mois aura été le plus fort du 18e siècle. Mais si cet hiver est le plus froid, il est également le plus long : la gelée a commencé le 24 novembre et depuis ce jour, le froid est allé en augmentant jusqu'au 25 décembre, qui a connu un léger dégel. Deux jours après, le froid a repris une nouvelle vigueur.
Il est tombé à Paris 9 pouces de neige que la terre, gelée par les premiers jours froids, a conservés. Quant à la Seine, elle est prise par les glaces depuis les derniers jours de novembre. De toutes les provinces du royaume, c'est l'Alsace qui a éprouvé le froid le plus intense. Le 18 décembre, le thermomètre est descendu à –36 degrés à Neuf-Brisach, ainsi que l'a observé le Comte de Caire, colonel du corps Royal du Génie.
Une lettre d’Avignon nous informe qu'il y gèle depuis le 17 novembre. Jusqu'au 19 décembre, le thermomètre s'est maintenu à –3°. A partir du 19, le froid a augmenté progressivement jusqu'au 31, où il est arrivé à –12°. Le Rhône et la Durance sont pris par les glaces, et on peut les traverser à pied.
Cet hiver âpre et prématuré qui, en empêchant une foule d'ouvriers de travailler, augmente la misère des nécessiteux, a également nui à la circulation des subsistances, puisque les cours d'eau ne sont plus susceptibles de navigation et que les moulins situés sur les rivières sont hors de service.
A Paris, la moyenne des températures en décembre tombe à -6,8 °C (au lieu de + 3 °C habituellement) et, la nuit, le thermomètre oscille entre -15 °C et -20 °C. On comptera, de novembre 1788 à mars 1789, 86 jours de gelée (dont 56 consécutifs) : un record toujours inégalé. Le 26 novembre, la Seine s'immobilise à son tour pour de longues semaines, prise jusqu'au Havre. Il faudra attendre le 20 janvier pour voir, à nouveau, le fleuve couler librement.
Sous le Pont-Neuf, un Moscovite de passage, nullement dépaysé, après avoir brisé la glace, plonge et se baigne impunément, sous le regard médusé de centaines de badauds. Le Rhin se traverse à pied comme en voiture à cheval, et les riverains prennent coutume d'emprunter son cours, plus direct que les chemins alentour. Plus au sud, l'embâcle de la Loire ne tarde guère ; le Rhône se prend à Lyon, au souffle glacé du mistral ; la Garonne, à Toulouse.L'hiver étend sa loi aux pays voisins. L'Elbe suspend son cours, le Danube aussi. La Tamise gèle, d'un trait, jusqu'à son embouchure et, pour Noël, se couvre de 65 centimètres de neige. Le flegme des Londoniens ne se trouble pas dans cette ambiance polaire, et l'on voit bientôt apparaître sur le fleuve des rangées de petites boutiques éphémères, promptes à héler le chaland.
Dans les derniers jours de décembre, le froid devient si vif que la mer elle-même commence de geler. Tous les ports de la Manche sont bloqués, emprisonnant les navires dans une banquise que les marées rendent chaotique sans parvenir à la disloquer. On traverse le port d'Ostende à pied, et même à cheval. Jamais, de mémoire d'homme, on n'avait vu cela ! Pas même en 1709. Il n'y a quà Marseille dont le port ne soit encombré de glaçons.
Dans les campagnes, le sol est pris jusqu'à 50 cm de profondeur et, dans l'étau du froid, des blocs de pierre éclatent. L'eau gèle au plus profond des puits ; le vin, dans les caves les mieux protégées. Jusqu'aux cloches des églises qui se fêlent... Dans les vergers, les arbres, raidis par le froid, frissonnent et geignent, les oliviers et les figuiers de Provence, les noyers du Dauphiné, les châtaigniers cévenols...
L'un d'eux, parfois, d'un coup, s'ouvre en deux, gelé. Dans les champs et les bois, l'existence des bêtes sauvages devient précaire ; le gibier se terre au creux des forêts, à bout de ressources. Beaucoup d'oiseaux meurent. Certains affirment même en avoir vu tomber du ciel, foudroyés en plein vol.
A bientôt.