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Un monde qui croule sous les dettes

Jamais, en temps de paix, la planète n’avait été aussi endettée. Ménages, entreprises, Etats sont dopés aux bas taux d’intérêt. Un fardeau de 200000 milliards de dollars menace la stabilité du système économique et financier.

A la tête de l’Agence France Trésor, Anthony Requin: l’homme a de la bouteille et des chiffres plein la tête. « Ici, on fonctionne en mode commando », confesse-t-il, un vague sourire au coin des lèvres. On ne rigole pas, quand on a à gérer une dette de 1600 milliards d’euros. Une dette qui s’est emballée au cours des dernières décennies (58,7% du PIB en 2000, 81,7% en 2010, un peu plus de 96% cette année), malgré la réduction des déficits.

La dette, nouvel opium du peuple
Au moindre faux pas, au premier doute sur la capacité de la France à rembourser ses créanciers rubis sur l’ongle, la sanction est immédiate: quelques points en plus sur les taux des prochaines émissions. Grâce au programme de rachat des titres de dettes publiques lancé il y a plus d’un an par Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, les taux d’emprunt de tous les pays européens ont dégringolé.

Le fardeau est de plus en plus lourd malgré la baisse des taux d’intérêt

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En avril, l’Etat français a levé près de 3 milliards d’euros au taux exceptionnel de 1,92%… Un record mondial. Et le service de la dette s’est réduit de plus de 2 milliards d’euros en l’espace de deux ans. Plus la charge est lourde, plus elle semble facile à porter. Au royaume de l’argent bon marché, la dette est le nouvel opium du peuple. L’Etat français est loin d’être le seul à se griser de la situation.

Une hausse de 70000 milliards de dollars depuis 2007

Le chiffre est rond, presque inconvenant, vaguement chimérique pour le commun des mortels: 200000 milliards de dollars, c’est le montant total des dettes publiques et privées sur l’ensemble de la planète à la fin 2015, d’après les calculs du McKinsey Global Institute. Un montant inégalé. Rapportée à la richesse mondiale, la dette est aujourd’hui plus élevée qu’au lendemain des deux guerres mondiales, en 1918 et en 1945.

La croissance seule ne suffira pas à réduire l’endettement public

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Jamais, en temps de paix, la planète n’avait eu à porter un si lourd fardeau. Il s’est même accru de 70000 milliards de dollars depuis le début de la crise, fin 2007, soit près de 22 milliards par jour. Si, dans les pays riches, ce sont les Etats et dans certains cas les ménages qui sont de plus en plus endettés, dans les pays en développement, ce sont les entreprises qui ont joué avec le feu: leur passif a été multiplié par trois depuis la fin 2007, pour atteindre 20000 milliards de dollars. « La dette est au coeur du capitalisme mondial. Elle en est devenue le principal carburant », décrypte Susan Lund, économiste et associée au McKinsey Global Institute.

Et c’est vrai, elle est partout. Aux Etats-Unis, huit ans après l’éclatement de la bulle des subprimes, ces crédits toxiques qui ont ruiné des millions de familles, la bulle de la dette des étudiants (1200 milliards de dollars) menace d’exploser: 17% des emprunteurs ont déjà fait défaut. Tout début mai 2016, l’île américaine de Porto Rico n’a pu faire face à une échéance de 470 millions de dollars. Une traite impossible à rembourser pour cet Etat endetté à hauteur de 70 milliards de dollars. C’est virtuellement la première faillite d’un Etat américain depuis celle de l’Arkansas, en 1933.

La plus grande menace vient de Chine

Dans la zone euro, à l’exception de l’Allemagne, les ratios d’endettement public atteignent partout des niveaux record. En France, la dette de l’Unédic, des hôpitaux, des systèmes de retraite publics et de la SNCF s’emballe. Dans les pays du nord de l’Europe, c’est la situation financière des ménages qui inquiète.

Au Danemark, en Norvège ou aux Pays-Bas, les emprunts immobiliers grimpent à un peu plus de 260% du revenu disponible annuel, contre 87% seulement en France. Il faut dire qu’en Suède la durée moyenne des crédits immobiliers est de cent quarante ans… Et ce sont les héritiers qui remboursent les dettes en vendant les biens.

Des ménages sous le poids des crédits

Dette des ménages rapportée au revenu (en %)

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C’est la Chine qui présente aujourd’hui la plus grande menace. En huit ans, les dettes totales ont quadruplé. Flambée de l’immobilier, opacité du système financier, collusion entre banques publiques locales et conglomérat d’Etat, explosion d’un système financier parallèle non régulé… La situation du géant asiatique est périlleuse.

« La Chine a longtemps été la solution, elle pourrait devenir le problème », s’inquiète l’économiste Jean-Pierre Petit. Dans l’acier, la chimie, l’immobilier, les profits dégagés par certains grands groupes sont désormais inférieurs à la charge de leurs dettes. Les experts d’Oxford Economics estiment que les prêts « douteux », ceux qui ne seront jamais remboursés, pourraient se monter à près de 14% du PIB…

Un système productif déflationniste

La situation mondiale est-elle explosive? « Si des tombereaux de dettes sont au passif des Etats ou des entreprises, ces titres sont aussi à l’actif de ceux qui les détiennent », concède Colin Ellis, le responsable du « crédit » chez Moody’s. En clair, tant que les débiteurs honorent leurs engagements, pas de problème. Circulez, il n’y a rien à voir!

Le top 10 des pays les plus endettés

Dette publique et privée (en % du PIB, en 2014)

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« Le système repose sur l’idée que l’endettement va engendrer plus de croissance et que, au final, un retour de l’inflation permettra d’effacer les ardoises, comme dans les Trente Glorieuses. Sauf que le système productif est déflationniste. Si les taux d’intérêt nominaux sont bas, ils sont en termes réels, c’est-à-dire hors inflation, relativement élevés », décortique l’économiste Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP.

La Banque des règlements internationaux (BRI), le gendarme de la stabilité financière, d’ordinaire d’une prudence de Sioux, a récemment tiré la sonnette d’alarme. Claudio Borio, le chef économiste de l’institution de Bâle, ne cache plus son inquiétude: « Les turbulences récentes sur les marchés financiers ne sont pas des coups de tonnerre isolés, mais des signes avant-coureurs d’une tempête qui couve depuis longtemps. »

extrait et source de http://lexpansion.lexpress.fr/

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