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Un monde Européen racheté par la Chine

La Chine investit en Europe et achète de la dette d’un certain nombre de pays, dont l’Espagne. De plus, elle annonce qu’elle va continuer ce mouvement de capitaux. L’empire du milieu achète l’Europe. Ainsi, la dette espagnole est-elle presque entièrement détenue par les chinois ! Cela lie donc fortement les deux pays ! L’influence de la Chine prend donc une plus grande importance au sein de l’Union européenne. Mais pour faire quoi ? Car le Portugal a aussi fait appel à la Chine pour l’achat d’une partie de sa dette, et la Grèce vient de vendre à ce pays une partie des installations portuaires du Pirée. Avec quelques 2.600 milliards de dollars de réserves de change, la République Populaire de Chine a les moyens de ses ambitions ! 

Selon un quotidien portugais – le Journal de Negocios – la Chine s’apprêterait à racheter plusieurs milliards d’euros de dettes portugaises. Cette opération prendrait la forme d’une acquisition massive d’obligations d’Etat lusitaniennes et se déroulerait lors du premier semestre de l’année 2011.

Habituellement, les commentaires et considérations d’usage ne rendent compte de ce type de décision que sous un seul angle, celui de l’économie. Ils considèrent – et ils n’ont pas tort – que Pékin poursuit principalement trois objectifs en soutenant les pays de la zone euro :

1° Préserver la situation financière (le pouvoir d’achat) d’un ensemble géographique et économique qui est le premier débouché des exportations chinoises dans le monde et le second partenaire commercial de la Chine après les USA.

2° Rallier l’Union européenne à la cause du Yuan et obtenir d’elle une attitude bienveillante permettant à la Chine de continuer à sous-évaluer sa monnaie et donc de continuer à exporter massivement.

3° Diversifier les placements chinois (1900 milliards d’euros de réserves de change) en achetant de plus en plus d’avoirs libellés en euros et de moins en moins d’avoirs libellés en dollars.

Cette instrumentalisation de l’économie la place donc sous la subordination, et de la politique, et d’un Etat, c’est-à-dire d’une puissance publique, qui poursuit des buts et visées « impériales », non seulement concurrentes – mais déjà antagonistes – de celles d’un autre « imperium » … celui des Etats-Unis. De la sorte, elle présente une particularité : elle constitue un contre-exemple parfait de la théorie libérale qui prétend exonérer l’économie de l’emprise décisionnelle de la politique. Par ailleurs, elle rappelle aux optimistes béats de la sinophilie à tout crin que le libre-échangisme chinois a pour cadre un régime autoritaire qui, de son point de vue, présentent deux vertus dans la mesure où il n’est tributaire, ni de l’instabilité politique (car ignorant les élections libres), ni de l’impatience, ce défaut typiquement occidental…

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, et sans doute autant que le Pacte Atlantique, le plan Marshall permit aux USA de transformer une partie non négligeable de l’Europe en protectorat. Ceci fut rendu possible parce qu’à l’époque les États-Unis possédaient une monnaie qui s’appuyait sur la détention, par eux, de l’essentiel des réserves d’or de la planète.

Sans disserter longuement sur la nature de ce protectorat, rappelons simplement qu’il fut politique (la fameuse « solidarité atlantique ») mais également … culturel. Les USA veillèrent bien, à coup de films notamment, à exporter les valeurs et emblèmes de l’« american way of life » afin de séduire et modeler les esprits européens.

Au jour d’aujourd’hui, les USA tentent de maintenir, vaille que vaille, ce protectorat mais en changeant sa nature toutefois. Il devient essentiellement militaire – l’OTAN en étant la représentation la plus emblématique en Afghanistan ou, peut-être bientôt, dans les cieux, si le bouclier antimissile ou si l’avion de combat F.35 se concrétisent matériellement – et se fonde, non sur le financement mais sur la collaboration et la mutualisation des moyens. Les USA, en effet, n’ont plus les moyens de payer … .

C’est sur cet état de fait que comptent les Chinois. La crise est pain béni pour Pékin. Les difficultés de la zone euro offrent, et comme jamais, la possibilité de racheter, et progressivement, et à vil prix au fur et à mesure que le temps passera, des pans entiers de l’économie européenne, qu’elle soit « réelle » ou « virtuelle » … c’est-à-dire financière. Et, en bons marxistes qu’ils ont été, les dirigeants chinois savent très bien que la souveraineté politique est toujours conditionnée par la souveraineté économique et financière, celui qui paye, et beaucoup, étant (toujours) celui qui commande  … .

De la sorte, et en plaçant sous sa coupe l’économie européenne, Pékin entend placer le continent dans sa sphère d’influence afin de distendre, d’abord, de rompre, ensuite, la solidarité atlantique, ciment principal de l’unité occidentale c’est-à-dire du couple Europe/USA.

Cette vaste entreprise dépasse donc, et de loin, la sphère économique.

Elle illustre une logique stratégique chinoise formalisée dans un ouvrage des colonels Qiao Liang, et Wang Xiangsui, : « La Guerre hors limites », Payot et Rivages, 2003.

Ce traité énonce sans détour, et avec une franchise pour le moins étonnante, la pensée géopolitique et géostratégique de la Chine d’aujourd’hui. Il souligne que, pour elle, tous les domaines – dont ceux de l’économie, de la finance, de l’information, de la culture, etc. – peuvent devenir, ou champ de bataille, ou système d’arme, ou les deux à la fois, l’action militaire n’ayant vocation ni à l’exclusivité ni à la totalité de l’expression de la puissance armée de l’Etat … chinois.

Dans cette optique, il faut donc considérer la stratégie chinoise en Europe pour ce qu’elle est, c’est à dire un acte de guerre (non militaire donc hors limite) dirigée contre les USA, et ce, à un moment et dans un domaine où, pour la première fois de leur histoire, et pour raison de surendettement, les USA n’ont sans doute plus la maîtrise de leur destin faute d’avoir encore celle de leurs moyens.

Enjeu de conflictualité, l’Europe a peut-être une carte à jouer en rusant avec l’un et l’autres des Empires pour finalement tirer les marrons du feu.

Le veut-elle ? Le peut-elle … dans le mental de ses dirigeants ? Bienvenue dans un Monde Européen racheté par la Chine.

sources : http://www.miwim.fr/ / extrait de http://www.marianne2.fr/

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