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L’île de Nauru ou le syndrome du futur effondrement de notre monde qui est déjà arrivé !

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Il y a moins de 20 ans, l’île de Nauru était l’un des pays les plus riches du monde. Aujourd’hui, l’État est en faillite, la population est obèse et le chômage a atteint 90% des actifs. L’île a essayé de se transformer en paradis fiscal pour attirer des capitaux, mais sans succès.

Successivement colonisée par l’Allemagne, puis l’Australie, Nauru connaît une prospérité sans précédent. La petite île, située au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, présente en effet un développement très important grâce à l’exploitation et l’exportation du phosphate. Ce minerai, très utile pour fabriquer l’engrais agricole, alimente l’agriculture australienne et britannique.

Commence alors une longue période d’exploitation : les Australiens, qui possèdent l’entreprise construisent les infrastructures indispensables à l’extraction de la matière phare. Et en quelques années, l’entreprise connaît des profits «records». Mais les Naruans souhaitent désormais jouir eux-mêmes de leurs ressources naturelles. L’île accède donc à son indépendance le 31 janvier 1968 et devient ainsi la République de Nauru.

Dès lors, l’entreprise est rachetée et nationalisée. Pendant 30 ans, de 1968 à 1998, la richesse s’empare de la population et la vie des Nauruans n’est plus la même. La période est faste, le cours du phosphate s’envole. L’année 1974 bat tous les records : le pays fait 225 millions d’euros de bénéfice et le PIB par habitant est le 2e au monde. Un PIB trois fois plus élevé qu’aux États-Unis.

Nauru investit alors sa fortune dans l’immobilier. Des buildings sont construits à Melbourne et à Washington, des terres sont achetées dans divers pays du pacifique, des spectacles sont entièrement financés par l’État, un golf luxueux est construit sur l’île. La compagnie aérienne nationale est aussi créée, Air Nauru, couvrant la majeure partie de l’Océanie.

La descente aux enfers

Cependant, dès les années 1990, l’épuisement des réserves minières, une mauvaise gestion des finances publiques et la dégradation de la santé publique caractérisée par l’apparition de maladies liées à une mauvaise hygiène de vie entraînent une paupérisation de la population et du pays en général, aboutissant à une faillite nationale.

Autrefois pays au plus haut revenu annuel moyen par habitant juste derrière l’Arabie Saoudite, Nauru connait une chute vertigineuse. Les dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’entreprise nationale ont mené une gouvernance extravagante, matérialisée par des investissements douteux et n’ont pas assuré l’avenir du pays. Avec une gestion sérieuse, même avec l’épuisement des ressources de phosphate, l’argent accumulé aussi facilement aurait suffi à pérenniser le futur de l’État.

Quant à la population, l’opulence des années de richesse a engendré de mauvaises habitudes alimentaires. Le pays recouvre aujourd’hui le plus fort taux d’obésité de la planète. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 95% de la population est en surpoids. Les habitants se plaignent aujourd’hui de ne plus manger que du poisson, nourriture du «pauvre» pour les îles du Pacifique. La nourriture est de moins en moins disponible, détruisant la notion de solidarité entre les citoyens nauruans, pourtant très présente il y a encore quelques années. L’État ne semble pas informer la population sur un mode de vie sain et le seul organisme public fonctionnant correctement est l’hôpital.

Aujourd’hui, la quasi-totalité du territoire de Nauru ressemble à un désert de pierres. La surexploitation du phosphate sur l’île a dégradé l’environnement : 80% de la surface du territoire a été creusée et la déforestation a tué des espèces entières d’oiseaux.

La plus petite République du monde, en apparence semblable à des dizaines d’autres, est aujourd’hui une île complétement dévastée, qu’on a même envisagé d’abandonner en préparant l’exil de ses habitants. Pour l’heure, près de 9.000 personnes vivent encore sur l’île mais son avenir est compromis. Entre surexploitation écologique, faillite économique et hyperconsumérisme : l’histoire de Nauru est l’exemple parfait du rêve qui vire au cauchemar.

La végétation tropicale est relictuelle sur le littoral et autour de la lagune Buada mais relativement absente au centre de l’île à la suite de l’exploitation minière.

Quelques espèces endémiques ou indigènes se rencontrent sur Nauru mais leur survie est compromise par la destruction de leurs milieux (exploitation minière, pollution) et par l’introduction d’espèces invasives (chien, chat, poule, rat polynésien…).

L’avifaune comprend 27 espèces, dont une seule endémique, la rousserolle de Nauru.

L’environnement marin (en particulier la ceinture de corail qui entoure l’île) a largement été dégradé par les rejets liés à l’exploitation des phosphates et l’urbanisation.

L’exemple de Nauru ressemble particulièrement au reste du monde actuel

L’histoire d’une minuscule île du Pacifique nous apprend que richesse et abondance ne durent pas éternellement. Surtout s’il s’agit de ressources naturelles. Gare aux logiques hyperproductiviste et consumériste. Consommation de masse effrénée et investissements démesurés furent les deux ingrédients d’un cocktail qui allait faire basculer le pays dans une dévastation sans précédent.

Ce qui nous intéresse dans cette histoire, c’est de constater à quel point une population enfermée dans une logique hyperproductiviste et consumériste peut avoir des œillères quant à ses solutions d’avenir. Un habitant témoigne : « Il y avait ce sentiment que rien ne pouvait nous arriver. L’argent coulait à flots. Quand il n’y en avait plus, il y en avait encore. Nous vivions dans une sorte de bulle, loin de tout. Avec ce sentiment de toute-puissance. »

A l’image des Nauruans, notre société se trouve actuellement empêtrée dans une vision minière de l’environnement, essentiellement basée sur le profit à court terme. On creuse toujours plus et toujours plus vite pour entretenir l’activité économique, et on ne s’arrête que lorsque le filon coûte plus qu’il ne rapporte. Cette conception reporte sans cesse l’échéance, avec le risque bien réel de voir les conséquences devenir de plus en plus dramatiques. L’histoire de Nauru doit constituer un avertissement pour l’ensemble des forces politiques de tous les pays. Il ne peut y avoir d’économie sans nature. Même avec des mécanismes de redistribution des richesses, un système qui ne tient pas compte des limites environnementales est voué à l’échec.

A Nauru comme ailleurs, la consommation matérielle déstabilise de nombreuses coutumes et activités traditionnelles. Au début de la crise, bien des Nauruans ne savaient plus cuisiner ni réparer les objets de la vie quotidienne. Jusqu’alors, l’abondance d’argent était telle qu’on se faisait livrer ses repas quotidiennement et qu’on changeait de voiture au moindre problème mécanique. A une autre échelle, nous ne sommes pas si différents des Nauruans. Comme eux, nous refusons de voir la réalité, qui est un épuisement prochain des ressources; comme eux, nous préférons rester dans un mode de « confort » et de luxe insoutenable; comme eux, nous nous sommes détachés de nombreuses activités indispensables à notre survie (l’agriculture en tête). Reste à savoir si, contrairement à eux, nous prendrons conscience du désastre avant qu’il ne survienne.

À partir de cette constatation, nous pouvons nous demander si l’effondrement qu’a connu Nauru n’est pas une image de notre propre avenir. Nous continuons en effet chaque jour à dévaster la planète afin d’en extraire toujours plus de pétrole, de charbon, d’uranium et bien d’autres choses encore. Que se passera-t-il alors lorsque ces ressources non-renouvelables se raréfieront ? Lorsque nous aurons de moins en moins de combustibles disponibles pour faire tourner la grande machine insatiable que sont devenues nos sociétés techno-industrielles ? Lorsque notre système technicien globalisé devra ralentir faute de carburant suffisant ? La catastrophe sera probablement moins brutale, plus étirée dans le temps, que celle qu’a connue Nauru, mais elle n’en sera, à la fin, certainement pas moins dramatique. Elle pourrait même, au contraire, se révéler encore pire. Et ce ne seront alors probablement pas les voitures électriques d’Elon Musk qui nous aideront. L’histoire éminemment tragique de l’île de Nauru nous montre à quel point l’idée d’une croissance infinie dans un monde fini est proprement suicidaire, à quel point le consumérisme est un mirage destructeur pour l’homme et pour le monde, et à quel point le « progrès » mène finalement la civilisation et la culture à l’anéantissement.

extraits et sources : https://www.francetvinfo.fr/ / https://fr.wikipedia.org/ / https://www.lalibre.be/ / https://www.montraykreyol.org/

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