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Les conditions d’éruption d’un supervolcan recréées dans un laboratoire de rayons X – Les Champs Phlégréens en perspective

Des scientifiques ont reproduit les conditions de pression et de température régnant dans la chambre magmatique des supervolcans pour comprendre comment se déclenchent leurs explosions. Ces explosions, heureusement très rares, sont les catastrophes naturelles les plus dramatiques sur Terre, à l’exception des chutes de météorites géantes. Grâce aux rayons X du synchrotron européen (ESRF), les scientifiques ont établi que les éruptions des supervolcans peuvent se produire spontanément, par simple augmentation de la pression magmatique, sans besoin de cause externe. Ces travaux impliquent en France le Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS / Université Lyon 1 / ENS Lyon) et l’ESRF (Synchrotron Européen) à Grenoble ainsi que l’université Polytechnique (ETH) de Zurich, l’Institut Paul Scherrer à Villingen (Suisse) et l’université Okayama (Japon). Ils sont publiés dans Nature Geoscience le 5 janvier 2014.
C’est une éruption de supervolcan, il y a 600 000 ans dans le Wyoming aux Etats-Unis, qui a créé le cratère gigantesque, appelé caldeira, au centre duquel se trouve aujourd’hui le Parc National de Yellowstone. Quand le volcan a explosé, il a éjecté plus de 1000 km3 de cendres et de lave dans l’atmosphère, 100 fois plus que l’éruption du Mt Pinatubo aux Philippines en 1992. Les grosses éruptions volcaniques ont un impact majeur sur le climat de la planète. L’éruption du Mt Pinatubo a fait décroître la température du globe de 0,4 degrés pendant plusieurs mois. Pour un supervolcan, la chute de température pourrait être de 10 degrés pendant 10 ans.

Selon un rapport de la Société géologique de Londres, en 2005, « même la science-fiction ne peut imaginer un mécanisme crédible qui permettrait d’éviter l’éruption d’un supervolcan. Nous devons cependant essayer de comprendre les mécanismes impliqués dans les super-éruptions et prédire la catastrophe suffisamment à l’avance pour que la société en soit avertie. La préparation est le seul moyen de limiter les effets désastreux d’une super-éruption. »

Les mécanismes qui provoquent les éruptions de supervolcans sont restés obscurs jusqu’à maintenant. Ils sont bien différents des phénomènes éruptifs observés dans les volcans conventionnels tels que le Mt Pinatubo. Un supervolcan possède une chambre magmatique beaucoup plus grande et il est toujours situé dans une zone où le flux thermique en provenance du centre de la Terre est très élevé. De ce fait, la chambre magmatique est beaucoup plus grande et chaude, mais aussi déformable : sa forme change en fonction de la pression au fur et à mesure qu’elle se remplit de magma chaud. Cette plasticité permet à la pression de se dissiper plus efficacement que dans un volcan normal, dont la chambre magmatique est plus rigide. C’est pour cette raison que les supervolcans n’explosent pas souvent.

D’où la question : qu’est-ce qui peut alors provoquer l’éruption d’un supervolcan ? Wim Malfait de l’ETH Zurich explique: « L’élément déclenchant est une pression additionnelle causée par les différences de densité entre la roche solide et le magma liquide. On pourrait comparer cela à un ballon de foot rempli d’air que l’on plonge dans l’eau et qui remonte à la surface car l’eau est plus dense tout autour. » Cette pression additionnelle est-elle suffisante pour causer des fissures de la croûte terrestre, suivie d’une éruption violente, ou faut-il une source d’énergie externe comme un tremblement de terre ? Tel était le sujet de cette recherche.

Comme il est impossible de percer un trou dans la chambre magmatique d’un supervolcan pour l’étudier directement, les scientifiques ont reproduit en laboratoire les conditions extrêmes de pression et de température au niveau du magma. «Les rayons X de l’ESRF peuvent être ensuite utilisés pour connaître l’état (liquide ou solide) de la matière et les changements de densité lorsque le magma cristallise sous forme de roche », dit Mohamed Mezouar, chercheur à l’ESRF et membre de l’équipe. Jean-Philippe Perrillat, chercheur au Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS / Université Lyon 1 / ENS Lyon), ajoute : « Des températures de plus de 1700 degrés et des pressions jusqu’à 36 000 atmosphères peuvent être atteintes à l’intérieur d’une presse appelée Paris-Edimbourg, où de minuscules échantillons de roche sont placés entre les deux pointes d’une enclume en carbure de tungstène puis chauffés avec un four résistif. Cet appareillage a été utilisé pour déterminer très exactement la densité du magma liquide sur une large gamme de pressions et de températures. » Le magma contient souvent de l’eau qui, sous forme de vapeur, ajoute de la pression. Les scientifiques ont également établi les densités de magma en fonction du contenu en eau.

Les résultats de ces expériences ont montré que la pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma liquide est suffisante pour fissurer la croûte terrestre sur une distance de 10 km de la chambre magmatique. Carmen Sanchez-Valle de l’ETH Zurich conclut : « Notre recherche a montré que la pression est suffisante pour que la croûte terrestre se fissure et le magma pénètre dans la croûte, même en l’absence d’eau ou de bulles de dioxyde de carbone. En montant vers la surface, une expansion violente du magma connue pour être à l’origine des explosions volcaniques, peut se mettre en place.»

Supervolcan : une menace grandissante d’éruption à Naples, vraiment ?

La ville de Naples, en Italie, se trouverait à quelques kilomètres d’un supervolcan dormant sous les champs phlégréens. Son éruption pourrait être cataclysmique. C’est du moins ce que pensent plusieurs scientifiques. Un forage de 4.000 mètres de profondeur aurait dû être effectué en 2009 pour en avoir le cœur net, mais il a été interdit par le maire de l’époque pour des raisons de sécurité. Il vient à nouveau d’être autorisé, sans réelle amélioration apparente.

Les champs phlégréens, littéralement « champs brûlés » en référence aux nombreux phénomènes hydrothermaux qui y sont observés, jouxtent la ville de Naples. Il s’agit d’une caldera de 13 km de diamètre dont l’origine serait liée à deux éruptions volcaniques majeures survenues il y a 14.000 et 39.000 ans. Le site connaît depuis des regains d’activité magmatique, générant parfois de petites éruptions (la dernière a eu lieu en 1538), suivis de phases de repos.

Une étude réalisée grâce au satellite Envisat en 2006 a mis en évidence une élévation du sol de 2,8 cm survenue en moins de douze mois. Ce fait prouve l’existence de flux magmatiques souterrains pouvant même, selon certains scientifiques, alimenter un supervolcan en formation. Ces structures sont particulièrement destructrices lorsqu’elles entrent en éruption. Elles peuvent en effet libérer plus de 1.000 km3 de matière en seulement quelques heures ou quelques jours, avoir un impact sur le climat et surtout tuer des milliers ou des millions de personnes.

Des variations de la hauteur du sol à Pouzzoles difficiles à interpréter
On peut voir deux épisodes particulièrement spectaculaires de soulèvement de plus d’un mètre cinquante, à chaque fois, de la région au début des années 1970 et 1980, cumulant au total presque 3,5 m en 1985. On constate ensuite une déflation lente mais constante accompagnée de petits épisodes de gonflements. Ces mouvements du sol peuvent être interprétés comme un réapprovisionnement en magma du supervolcan, ce qui pourrait donc indiquer une éruption imminente. Mais si tel et bien le cas, la déflation de presque un mètre depuis les années 1980 serait plutôt rassurante.

Reste que depuis 2012, les chercheurs constatent à nouveau une reprise du gonflement de la caldeira, avec une accélération du phénomène. Mais au total, il ne s’agit que d’environ 40 cm. Il a été observé aussi que les fumerolles dans la région sont plus chaudes et que le taux de CO2 par rapport à celui d’H2O a augmenté, ce qui va dans le sens d’une dépressurisation du magma avec libération de plus de gaz carbonique, à la façon d’une bouteille d’eau gazeuse débouchée. Il n’est toutefois pas évident d’en conclure que l’on se rapproche vraiment d’une éruption.

Il n’en reste pas moins que deux volcans, celui de Rabaul en Nouvelle-Guinée et de Sierra Negra dans les îles Galapagos, sont entrés en éruption après avoir gonflé à un rythme similaire à celui observé ces dernières années dans la région des Campi Flegrei, selon l’un des auteurs de l’article de Nature, Giovanni Chiodini. Surtout, lui et ses collègues ont établi l’existence d’une pression critique de dégazage (critical degassing pressure, ou CDP en anglais) conduisant à une brusque libération de vapeur d’eau lorsque du magma est en interaction avec des roches dans une région parcourue par des fluides hydrothermaux. Cette libération peut conduire à une éruption.

Or, selon les chercheurs, il se pourrait que le magma sous les champs Phlégréens ne soit plus très loin de cette pression critique. Mais pour l’instant, ils ne peuvent rien dire de plus.

sources : http://www2.cnrs.fr/ / https://www.futura-sciences.com/

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