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Le réchauffement n’est plus une certitude

Dans «Nouveau Voyage au centre de la Terre» (1)., le géophysicien Vincent Courtillot critique la thèse largement admise sur les causes du changement climatique

Le Nouvel Observateur. Selon vous, depuis une dizaine d’années, la température moyenne de la planète est… en baisse ?
Vincent Courtillot. C’est sûr, attesté, personne ne peut le nier : la température moyenne baisse depuis 1998, date d’une valeur maximale qui n’a plus été retrouvée. On ne peut pas en déduire que le réchauffement observé depuis un siècle et demi ne va pas se poursuivre : ce réchauffement moyen a toujours été très irrégulier, en dents de scie, et variable en fonction des régions. Après cet épisode, la température moyenne va peut-être recommencer à monter, ou la baisse se poursuivre un certain temps. On ne peut pas savoir. On peut juste remarquer que, depuis une dizaine d’années, l’activité du Soleil est en baisse avec…

depuis plus d’un an, presque plus une tache sur la surface de l’astre. Alors il y a peut-être une corrélation. La seule certitude, c est que le gaz carbonique et l’effet de serre ne peuvent pas être seuls en cause : à l’échelle globale, la température avait déjà baissé entre 1940 et 1970, sans que pour autant le taux de CO2 atmosphérique ait cessé de croître. Grâce à Emmanuel Le Roy Ladurie, on sait aussi que, dans un passé pas si lointain -entre les années 900 et 1100 -, la Terre était au moins aussi chaude qu’aujourd’hui.

N. O.- Des chercheurs ont montré que, dans l’histoire climatique de la planète, l’augmentation du taux de gaz carbonique a généralement suivi de mille ans – et non pas précédé – celle de la température. 

V. Courtillot. – Il s’agit d’une loi physicochimique : plus la température monte, moins l’eau est capable d’absorber des gaz en solution. Quand ça chauffe, les océans relâchent du CO2. Ce n’est pas le gaz carbonique qui module en premier ressort les variations de la température, mais plutôt le Soleil ( parce que l’orbite de la Terre varie très légèrement sous l’influence de l’attraction de planètes géantes) qui entraîne des variations de température de l’atmosphère et – avec un certain décalage – de l’océan. Quand ce dernier est réchauffé, il dégaze du CO2 comme une bouteille d’eau pétillante; quand il se refroidit, il dissout une quantité plus importante de gaz et en appauvrit l’atmosphère.

N. O. – Vous niez donc le phénomène actuellement invoqué – que vous qualifiez de «politiquement correct» – de réchauffement causé par le CO2 anthropique ?

V. Courtillot. – Non. Car il n’est pas impossible que ce phénomène nouveau contribue au réchauffement constaté. J’ai tendance à le considérer comme relativement mineur, même si je peux me tromper. De toute façon, il n’est probablement pas seul en cause. Le climat terrestre est soumis à de nombreux facteurs, dont l’activité solaire, qui a été à mon avis sous-estimée, et commence à être réévaluée : sur les cent dernières années, la lente évolution de la température moyenne peut être corrélée avec l’évolution du Soleil (mesurée par exemple par le nombre des taches à sa surface). Jamais le climat terrestre n’est resté stable sur de longues périodes. On note un petit nombre de grandes glaciations, assez régulièrement séparées par des périodes d’environ 100 000 ans. Dans l’intervalle de ces glaciations, la Terre a été le plus souvent une planète chaude – parfois plus qu’aujourd’hui. 

N. O.- Ces fluctuations climatiques étant naturelles et inévitables, il n’y aurait pas lieu de prendre des mesures pour, par exemple, diminuer les émissions de CO2 ?

V. Courtillot. – Peut-être que si, mais pour d’autres raisons. Les réserves de combustibles fossiles n’étant pas inépuisables, il est sage d’apprendre à s’en passer. Mais le réchauffement intense que l’on nous annonce n’est pas certain. Les prévisions du Giec sont trop souvent basées sur des modèles mathématiques nourris de données imprécises et incomplètes. Et si le réchauffement devait se poursuivre selon ces prévisions douteuses, au lieu d’en dénoncer toujours les inconvénients, on devrait également songer aux avantages comme un accroissement de la production agricole. Le CO2 accélère la croissance des plantes, ce qui devrait permettre de nourrir davantage de monde. Le niveau de la mer monte (très modérément et très régulièrement) depuis cent ans. Rien ne permet donc de craindre que cette hausse dépasse 25 ou 30 centimètres d’ici la fin du siècle – pas de quoi s’affoler vraiment. Bref, l’humanité se trouve face à des problèmes beaucoup plus angoissants que le réchauffement climatique. Citons le traitement des déchets massifs, dans des civilisations de plus en plus urbaines. Ou encore l’accès à l’eau potable, qui constitue l’enjeu le plus redoutable de ce XXIe siècle. Là se situent les vrais défis qui devraient nous mobiliser de toute urgence, et pour lesquels les géologues sont susceptibles de devenir des fournisseurs de solutions.

N. O.-Justement, vous êtes géologue, spécialiste de la «Terre solide» comme vous dites, et surtout de ses grandes profondeurs. C’est pourquoi certains vous reprochent de vous mêler de climatologie.

V. Courtillot. -Je crois avoir contribué avec mes collègues à suggérer que les phénomènes qui se déroulent dans les grandes profondeurs – et même au centre de la Terre, avec le magnétisme du noyau – influencent le climat. La description de ces phénomènes profonds occupe les trois quarts de mon livre. Songez qu’on a pu relier chacune des quatre dernières grandes extinctions – dont l’une a concerné jusqu’à 99% des espèces vivantes, éradiquées assez brutalement – à de gigantesques éruptions volcaniques (les «traps»). Les incroyables quantités de laves ainsi crachées des entrailles de la Terre ont empoisonné l’atmosphère et modifié le climat pendant des milliers, voire des centaines de milliers d’années, notamment par leur teneur en soufre. On a retrouvé ces laves basaltiques épaisses de plusieurs kilomètres, solidifiées sur d’immenses régions, par exemple en Inde ou en Sibérie. Beaucoup plus récemment, en 1783, l’éruption du Laki, en Islande – une sorte de mini-trap -, a craché en moins d’un an 12 kilomètres cubes de lave, dont l’odeur sulfureuse a été reniflée au moins jusqu’au sud de la France. Je pense que le géologue a décidemment beaucoup à apporter à ceux qui étudient le climat…

(1) Odile Jacob.

Vincent Courtillot est directeur de l’Institut de Physique du Globe et membre de l’Académie des Sciences.

source : Fabien Gruhier
Le Nouvel Observateur

M. Vincent Courtillot

Conférence : Conférence : De l’observation aux processus et aux modèles en sciences de la Terre : l’exemple des évolutions climatiques récentes

Série : Autres conférences en 2009
Thème(s) : Sciences de la terre

Durée : 1h 39m 49s
Langue : Français (fr)

Production : Université de Strasbourg
Réalisation : Colloques et Conférence

conférence vidéo à voir ici :

http://www.canalc2.fr/video.asp?idVideo=8895&voir=oui

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