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IA : Dans le monde et le futur, seuls les gens très intelligents et très doués trouveront du travail

L’intelligence artificielle (IA) va nous manger tout cru. Pour Laurent Alexandre, chirurgien, énarque et spécialiste des nouvelles technologies, les progrès de l’IA risquent de creuser les inégalités sociales si le système éducatif n’évolue pas très vite. La Guerre des intelligences, paru chez JC Lattès mercredi dernier, dessine un futur où les enfants pourraient s’implanter des circuits intégrés dans le cerveau pour rester compétitifs face à la machine. Avec 20 Minutes, l’auteur effleure les grandes questions que pose ce « tsunami technologique ».

Dans « La Guerre des intelligences », vous critiquez le système éducatif. Pour vous, l’école ne donne pas les bonnes armes aux enfants pour affronter l’intelligence artificielle. Quels sont les risques liés à l’IA ?

Il existe un risque à long terme, celui qui a fait l’objet des disputes entre Elon Musk et Mark Zuckerberg cet été : le risque d’une intelligence artificielle hostile qui tuerait l’humanité. A mes yeux, le principal problème, c’est plutôt l’augmentation des écarts sociaux. Comme l’IA va être quasi gratuite et va faire de mieux en mieux des tâches humaines, nous risquons d’être dans une société où seuls les gens très intelligents, très innovants, très doués pourront trouver du travail. L’école aujourd’hui ne prépare pas les enfants, notamment des milieux défavorisés, à résister à l’IA.

Comment l’école devrait-elle se préparer à l’intelligence artificielle, selon vous ?
En faisant le contraire de ce qu’elle fait depuis trente ans. Il faut déprofessionnaliser. Tout ce qui est professionnel, technique, va être balayé par l’intelligence artificielle. Un comptable n’a pas sa place en 2030. Sans parler du cas des chauffeurs routiers avec des camions qui sauront conduire seuls dans les vingt prochaines années. Tout ce qui est « savoirs techniques » va poser un problème. Aujourd’hui, on forme les enfants à des métiers qui ne leur permettront pas d’être compétitifs face à l’intelligence artificielle. Il faut les éloigner des secteurs où l’IA sera forte.

Sur quoi faut-il miser dans le futur ?
Les humanités, l’esprit critique, tout ce qui est multidisciplinaire. L’IA ne sait pas faire du transfer learning [utiliser un savoir pour faire autre chose], analyser transversalement un sujet. En réalité, il faudrait donner aux gamins des savoir-faire transversaux, de la multidisciplinarité, des objets à lire. Leur apprendre à travailler en groupe. Il faudrait mettre des Montessori à la place des ZEP. Une bonne partie des patrons de la Silicon Valley ont été formés dans des écoles Montessori.

Selon vous, l’IA va laminer des professions, que voulez-vous dire exactement ?
Aux Etats-Unis, le chauffeur-livreur-camionneur représente plus de 3 millions de personnes. La reconversion d’un camionneur de 50 ans n’ayant pas de culture générale, ne sachant rien faire d’autre, qui a quitté l’école à 16 ans, ne va pas être une mince affaire. On ne va pas reconvertir les 3 millions de chauffeurs routiers américains d’un claquement de doigts. La reconversion des comptables ne va pas être simple non plus. Une minorité d’entre eux deviendront expert comptable, et les autres ? Il existe des logiciels d’IA qui remplacent intégralement un comptable. La radiologie sera faite par l’IA dans pas longtemps, mais je n’ai aucun souci pour les radiologues qui sont bac + 10, je suis plus inquiet pour les camionneurs.

Vous décrivez un futur qui se laisse séduire par l’eugénisme, ne peut-on pas imaginer un autre chemin, moins catastrophiste ?
Quand on voit les chiffres que je cite : 50 % des jeunes Chinois souhaitent augmenter le QI de leur bébé par des méthodes biotechnologiques. Dans certaines régions du monde, on va aller vers de l’eugénisme positif. On a déjà commencé à faire de l’eugénisme négatif. Je vous rappelle qu’en France la pratique de l’IVG est très répandue dans le cas d’un dépistage d’une trisomie 21. L’eugénisme n’est pas une perspective, c’est une réalité. On a déjà mis un doigt dans l’eugénisme, des zones vont pratiquer l’eugénisme positif. Est-ce que ce sera possible dans un pays comme la France ? Est-ce qu’il sera possible de résister ? Il est probable, et je ne m’en félicite pas, qu’on entre dans un engrenage, neurotechnologique avec les technologies d’eugénisme. En 2030, on pourra mettre des circuits intégrés dans le cerveau des enfants d’une façon ou d’une autre et on le fera.

Ne peut-on pas imaginer une cohabitation pacifique plutôt qu’un affrontement ?
C’est le but, mais n’oubliez pas que l’inertie des cerveaux humains est terrible. Les enfants qu’on forme aujourd’hui seront encore vivants à la fin du siècle. Imaginez l’IA entre 2050 et 2100. Notre cerveau ne bouge pas, sauf avec les techniques de neuroenhancement [de renforcement], alors que l’IA galope. Il y a dix ans, on pensait que jamais une voiture ne se conduirait seule. Regardez les progrès actuels. Parmi les enfants qu’on forme aujourd’hui dans les écoles populaires, il n’y en a pas un qui sera compétitif contre l’IA en 2070.

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extrait et source : http://www.20minutes.fr/

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