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Fin de la Civilisation

C’est à la fin des années 1980 que les premiers grands carottages de glace de l’Antarctique ont conforté les présomptions sur l’existence d’un réchauffement planétaire, fortement lié aux émissions de gaz carbonique d’origine humaine : rejets industriels, consommations domestiques dans les pays riches, déforestation favorisée par ces mêmes pays chez les plus pauvres… L’incertitude était encore très importante, puisque les modèles envisageaient en 1988 un réchauffement pouvant aller de 0,4 à 8,33°c à la fin du XXIe siècle, la fourchette la plus communément admise étant de 2° à 5,5° (1).

 

Ce résultat avait de quoi inquiéter : à l’échelle de la planète, la température moyenne, lors de la dernière période glaciaire, il y a 18 000 ans, avait seulement été de 4° à 5° inférieure à la température actuelle. Si les prévisions pessimistes se confirmaient, les bouleversements climatiques à venir au cours du prochain siècle pourraient être de l’ampleur inverse d’une glaciation. Les effets prévisibles n’étaient pas un réchauffement d’ensemble de quelques degrés partout, mais de très fortes variations pouvant aller jusqu’à l’arrêt du Gulf Stream, qui donnerait à l’Europe et l’Amérique du Nord un climat à caractère polaire ; ou bien la multiplication des « anomalies » climatiques, comme les grandes tempêtes ou El Niño. Des droits à polluer En avril 1996, un deuxième rapport du GIEC, rédigé par deux mille spécialistes mondiaux, a continué à alimenter les appréhensions, bien que les experts aient fait preuve de précautions terminologiques extrêmes. D’après eux, un « faisceau d’éléments suggère qu’il y a une influence de l’homme sur le climat ». Pourquoi conserver une formulation aussi réservée alors que les preuves s’accumulent ? Parce que nombre de travaux ont également été financés pour essayer de montrer que le rôle humain dans les émissions de gaz n’était pas « prouvé », que le phénomène pouvait venir d’un accroissement de l’activité solaire ; ou encore que des migrations de bulles dans la glace auraient pu exagérer l’ampleur du phénomène.

Les experts mondiaux du GIEC sur le climat ont révélé que le niveau de concentration en dioxyde de carbone n’avait « très vraisemblable-ment » jamais été aussi important depuis vingt millions d’années et que de nombreux autres gaz à effet de serre – comme le méthane, le dioxyde de soufre ou les oxydes nitreux – avaient atteint un niveau sans équivalent connu. Dans une étude parue dans la revue Nature en 2001, une équipe britannico-norvégienne a montré que le débit du Gulf Stream a diminué d’au moins 20 % depuis 1950 (8).

Si un tel phénomène devait se poursuivre, cela remettrait en question les supputations de la communauté scientifique occidentale sur le fait que les pays du Sud seront les plus touchés. En mars 2002, un fragment de la banquise antarctique de 3 250 km2 (plus vaste que le grand-duché de Luxembourg), vieux de 12 000 ans, se fracturait en milliers d’icebergs d’un volume total de 720 milliards de tonnes de glace. Si l’on peut se permettre une métaphore, les experts qui ont porté « Kyoto » sur les fonts baptismaux ont concédé que l’humanité était peut-être devenue folle, que notre modèle de « développement » correspondait potentiellement à foncer vers un mur à une vitesse de 100 kilomètres à l’heure, et en ont déduit qu’il était urgent de réduire cette vitesse à… 97 kilomètres à l’heure ! Mais quel responsable politique ou gouvernement de pays industrialisé oserait reconnaître que les modes de vie et de consommation qu’il défend, et qui sont les nôtres, constituent un risque majeur pour une part importante de l’espèce humaine, et peut-être même pour nos civilisations ?

Info du Monde diplomatique.

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