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Pile à combustible : elle arrive !

Forte de ses promesses, cette technologie fait inéluctablement son chemin dans le marché. Après avoir démarré dans les applications stationnaires, elle pointe le nez dans les portables. Et se positionne dans l’avenir comme une alternative séduisante au pétrole dans les transports…

Plus que jamais, le marché des piles à combustibles frémit. Dès l’an prochain, on devrait voir fleurir sur le marché des scooters électriques propulsés par cette technologie, comme ceux déjà commercialisés par Yamaha, Honda ou Intelligent Energy.  Dans les produits électroniques nomades comme les PC portables, les téléphones mobiles ou les baladeurs multimédia que les géants asiatiques de l’électronique préparent la déferlante pour 2007. Ici, les attentes sont énormes. Le marché est colossal en volume.

Dans l’automobile, le coréen Hyundai pourrait créer la surprise en lançant en Chine en 2010 des voitures embarquant une pile à combustible. Dans les applications stationnaires, le marché est déjà une réalité comme le démontre le leader des onduleurs APC qui propose dès aujourd’hui une offre commerciale pour l’alimentation de secours des centres informatiques.

Si véritablement le temps des énergies fossiles est compté – un demi siècle encore ? – l’hydrogène, le carburant de la pile à combustible, a une voie royale devant lui, concrétisant le beau vieux rêve de disposer d’une source d’énergie continue, « propre » et durable. Ce gaz est abondant dans l’univers, « brûle » sans polluer ni émettre de CO2, et se produit simplement tant à échelle industrielle (procédés pétrochimiques) qu’à échelle locale, voire « artisanale ». Il présente certes quelques défauts, à commencer par son inflammabilité, source de contraintes réglementaires, et sa volatilité qui le rend difficile à stocker.

La première vertu de l’hydrogène est d’être propre. Sa recombinaison avec l’oxygène de l’air n’engendre, il est vrai ni polluants locaux (particules, CO, Nox), ni CO2. Encore que cette affirmation soit à relativiser. Le procédé couramment utilisé pour sa production, reformage d’hydrocarbures, génère en effet du CO2. Tout comme la filière au méthanol, privilégiée dans la phase d’attaque du marché des applications portables. Et l’hydrogène industriellement produit à ce jour n’est pas totalement pur. Ainsi, Gaz de France estime que de l’hydrogène produit à partir de gaz génère 4 mg de Nox par kWh. cinq fois moins, tout de même que les procédés thermiques les plus performants.

Le bénéfice environnemental de l’hydrogène est cependant immense car, contrairement aux carburants qui polluent partout là où ils sont brûlés, la filière hydrogène n’engendre de rejets que sur le lieu de sa production. Ainsi, dans l’avenir, le CO2 sera-t-il infiniment plus simple à piéger et à séquestrer, sur les quelques usines à fabriquer l’hydrogène.

Pour autant, ce ne sont pas exclusivement des considérations liées à la raréfaction du pétrole qui motivent cet engouement pour la pile à hydrogène. Dans le transport, par exemple, le couple moteur + pile offre un rendement exceptionnel et l’absence de bruit. Dans le domaine des objets nomades, la pile supplée le tassement des progrès réalisés sur les accumulateurs, doublant ou triplant d’emblée l’autonomie de ces appareils. Grâce à la recharge immédiate qu’elle offre, l’utilisateur bénéficiera d’un fonctionnement ininterrompu tant qu’il disposera de cartouches de combustible. Plus besoin d’attendre de disposer d’une prise électrique pour retrouver l’usage de son appareil portable, ni de patienter des heures pour en recharger la batterie.

Dans les alimentations de secours, la problématique est encore différente. Là où un groupe électrogène diesel demande une maintenance régulière et où les batteries obligent à un fastidieux renouvellement, la pile à combustible offre une parfaite fiabilité pour peu d’entretien. Les dirigeants d’APC, promoteurs de cette technologie pour l’alimentation de secours des salles informatiques, affirment que le kWh s’avère plus économique avec une pile qu’avec un groupe électrogène. Et de toue façon, le surcoût initial est complètement effacé à la première panne mécanique! Surtout dans une salle d’informatique bancaire ou chez un fournisseur d’accès Internet.

De même la PAC résout élégamment le problème d’alimentation en énergie de régions isolées, hors raccordement électrique. C’est surtout vrai de pays ou régions riches en énergies renouvelables comme le Canada avec l’hydraulique, l’Islande avec la géothermie, la Californie avec le solaire, ou la Scandinavie avec le vent. Avec l’avantage d’offrir une alimentation énergétique 100% propre dès la source. La synergie de la pile à combustible avec les énergies renouvelables peut dans certains assurer l’autonomie énergétique, comme le démontre l’exemple de l’île d’Utsira, en Norvège. Ici, la population est alimentée en courant par des éoliennes. En périodes de fort vent, l’excédent sert à produire de l’hydrogène par électrolyse. Ce combustible est utilisé lors des pics de consommation ou en périodes de faible vent. La combinaison de la PAC et de l’éolien assure ainsi l’autonomie énergétique de l’île.

L’Europe du Nord est d’ailleurs véritablement entrée dans l’« ère Hydrogène ». En témoignent le projet à court terme de 580 kilomètres d’autoroute à hydrogène reliant Oslo à Stavanger, en Norvège, l’avalanche de projets de transport propre en Suède, ou encore la kyrielle de projets d’usine de cogénération (jusqu’à 500 kWe), au Danemark et en Finlande.

L’Amérique du Nord est aussi très en pointe, à commencer par le Canada, berceau de deux firmes leaders au plan international, Ballard et Hydrogenics, et la Californie, Eldorado des véhicules zéro-émission. Ainsi, la province de Colombie-Britannique prétend rien de moins que devenir le principal marché de l’hydrogène d’ici 2020. Et General Motors, grand promoteur de la pile outre-Atlantique a fait chiffrer une étude qui évalue à 10 milliards d’euros la construction de 1 700 stations à hydrogène sur le territoire américain ! Rien qu’en Californie, d’ici 2010, 150 à 200 stations-service devraient parsemer les routes principales de l’Etat.

C’est l’Islande qui se montre à ce jour le plus ambitieux. Depuis 1999, ce petit pays de moins de 300 000 habitant mise sur l’hydrogène pour assurer son autonomie énergétique à l’horizon 2050. Regorgeant d’énergies hydraulique et géothermique, aujourd’hui très peu exploitées, il veut les transformer en hydrogène qu’il substituerait au pétrole dans son parc de bus, de bateaux de pêche et de voitures. Le plan d’action, dévoilé en 2001 par le consortium Iceland New Energy, qui regroupe notamment Daimler-Chrysler, Norsk Hydro et Shell, prévoit six étapes, la dernière étant l’exportation de l’hydrogène vers l’Europe sous forme liquide à -253°C.

Les enjeux économiques sont considérables. Selon des estimations canadiennes, la pile à combustible pourrait donner naissance à une industrie de 154 milliards de dollars en 2020. Avec à la clé, la création de 15 000 emplois par milliard de chiffre d’affaires et l’émergence de nouveaux champions comme le canadien Ballard ou la start-up allemande Smart Fuel Cell. Le Japon, le Canada, les Etats-Unis et l’Allemagne semblent les mieux positionnés. La Chine entre en course avec un programme R&D de 100 millions de dollars par an.

Les géants japonais de l’électronique, regroupés dans un programme de R&D de 250 millions de dollars par an sous l’égide du Miti, mettent la pile à combustible au cour de leur stratégie de reconquête du marché. Bousculés par les Coréens et les Chinois dans le marché des piles portables, ils sont décidés à reprendre le leadership à la faveur de cette rupture technologique. Ce qui explique l’accélération du développement de la filière au méthanol pour les applications portables.

En Europe, le développement s’intensifie plutôt dans les transports avec le démarrage dans le cadre de 7e PCRD du projet HyChain. Coordonnée par Air Liquide, ce projet amplifie les tests sur les minibus, véhicules utilitaires, fauteuils roulants, scooters et vélos. Et au lieu de s’appuyer sur des stations de remplissage d’hydrogène, comme c’est le cas dans les expérimentations menées jusqu’ici, il testera un nouveau réservoir en composites qui fonctionne selon sur le modèle des cartouches pour les portables.

Car malgré ses belles promesses, l’hydrogène, à l’état gazeux, a le gros défaut de ne pas être «compact » : un litre d’essence a le même pouvoir énergétique que. 1 500 litres d’hydrogène à pression ambiante ! C’est pourquoi l’usage de ce gaz suppose un transport et un stockage à haute pression. A 700 bars, par exemple, un litre d’essence équivaut à trois litres d’hydrogène. C’est la solution couramment admise dans l’automobile et pour les applications stationnaires. Pour aller plus loin en réduction de volume, il faut livrer le gaz sous forme liquide à -253° C. Si la production de froid est contraignante, en revanche le stockage et le transport se trouvent simplifiés du fait de la faible pression dans les réservoirs. C’est pourquoi, BMW promeut cette solution sur ses concept-cars.

Une solution très avantageuse est de stocker l’hydrogène sous forme d’hydrures, métalliques ou liquides. Ces composés, inertes à température ambiante, se comportent comme des éponges à hydrogène et libèrent le gaz sous l’effet de procédés thermique ou catalytique. Ce mode de stockage parfaitement adapté au transport mais aussi dans les portables au simple regard de la sécurité : l’hydrogène est « libéré » au moment où l’on s’en sert. Ainsi, PSA qui teste cette solution sur un camion de pompier (l’exemple ne doit rien au hasard !) explique qu’en utilisant une solution aqueuse de borhydrure de sodium, le véhicule ne contient jamais plus 2,5 grammes d’hydrogène, soit l’équivalent d’un verre d’essence. Seul inconvénient : la faible densité massique en hydrogène, de 2 à 8% selon le type d’hydrure.

Le programme européen StorHy (6ème PCRD) contient un volet important consacré au stockage sous forme d’hydrures, en particulier dans l’optique de mettre au point les composés les plus légers, à base de magnésium, de lithium, d’aluminium. Plus récemment est apparue une technologie danoise (société Amminex A/S), destinée à des piles de faible puissance et qui simplifie radicalement le rechargement. Ce sont des pastilles solides gorgées d’ammoniac (NH3) adsorbé par du chlorure de magnésium. Le composé est stable et libère, par passage au travers d’un filtre catalytique, 10% de sa masse en hydrogène.

Partout, la recherche s’intensifie et la technologie gagne en maturité. La normalisation en matière de sécurité de stockage et de transport avance. Des réservoirs d’hydrogène conformes à la norme ISO11439 sont déjà fabriqués par des sociétés comme Quantum. Il reste encore à mettre la technologie à portée des voitures, à convaincre le législateur d’adapter la réglementation, aujourd’hui défavorable à l’hydrogène, et à gagner la confiance des utilisateurs.
Thierry Mahé et Ridha Loukil

Comment la pile à combustible fonctionne

La pile à combustible fonctionne selon le principe inverse de l’électrolyse de l’eau, inventé par l’électro-chimiste britannique William Grove en 1839. Le cour comprend une anode (électrode positive) et une cathode (électrode négative), séparées par un électrolyte (un matériau qui bloque le passage des électrons). Grâce au catalyseur (platine couvrant les surfaces actives des électrodes), l’hydrogène (pur ou issu du méthanol) se combine avec l’oxygène (contenu dans l’air), générant à la fois eau, chaleur et électricité. Souvent l’eau ainsi produite s’évacue naturellement dans l’air sous forme de vapeur. La pile au méthanol produit en plus du CO2.

source : http://terresacree.org

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