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Accord Chine / États-Unis sur le climat, aussi vide que les précédents

LE PLUS. Un accord si ambitieux ? Ce mercredi Barack Obama et Xi Jinping ont annoncé leur volonté de mener conjointement un programme de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Que contient cet accord ? Est-il si historique ? L’analyse de Benoît Rittaud, mathématicien.



Ne sont-ils pas mignons sur la photo ? Il faut dire que cette fois, ça y est : la planète est sauvée.


« Historique », dixit Obama qualifiant l’accord sur le climat entre les deux plus gros émetteurs de gaz carbonique que sont la Chine et les États-Unis (dans cet ordre). Il étant temps : il y a quelques jours à peine, la planète avait eu très peur à cause d’un millionième rapport. À moins qu’elle n’aie en fait préalablement déjà été sauvée par l’Europe. Et encore sauvée juste avant par les régions. Au préalable, l’ONU s’y était essayée, en se faisant aider par une ONG.

Et notons que la planète sera encore sauvée à nouveau très bientôt, cette fois au Pérou. Le tout entre septembre et décembre. Sauveteur de planète, c’est un métier à plein temps…

Les mêmes ficelles éculées

Les grandes annonces sur le climat se ressemblent aussi bien dans leur forme (grandiloquente) que dans leur fond (vide). N’ayant rien à dire tout en ayant fort besoin de le faire savoir, la bureaucratie climatique est obligée d’user encore et encore des mêmes ficelles éculées pour essayer de continuer à exister.

Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que l’ensemble de nos grands médias nationaux tombe invariablement dans le panneau.

À croire que pas un journaliste qui y sévit dans les rubriques environnementales ne serait pourvu du sens critique le plus élémentaire. L’annonce américano-chinoise sur le climat a ainsi été célébrée sans nuance comme une « victoire » par ces journalistes – dont une caractéristique est souvent d’ignorer même qu’on puisse considérer qu’un accord sur une réduction des émissions de gaz à effet de serre ne serait peut-être pas une bonne idée.

Il faut dire que lorsqu’il s’agit de sauver la planète, on n’est regardant ni sur le fond ni sur la méthode. Ainsi, en septembre, personne n’avait été le moins du monde ne serait-ce que surpris de voir Laurent Fabius et Ségolène Royal manifester pour le climat à New York en tête de cortège avec Ban Ki-moon.

Peut-être doit-on penser que le jour n’est plus très loin où l’on verra le patron d’une usine rejoindre un piquet de grève dans l’un de ses ateliers ; en attendant l’on pourrait tout de même s’interroger sur l’opportunité pour des décideurs de manifester pour que soient prises des décisions.

Des objectifs qui ont de quoi faire rire

Les citoyens désireux d’en savoir plus sur cet « accord historique » américano-chinois devront sans doute lire la presse anglophone pour découvrir que celui-ci a beau réjouir nos hexagonaux sauveurs de planète, il est tout aussi vide que les précédents (et probablement que les suivants).

Les deux pays se sont bien gardés de signer quoi que ce soit de contraignant, se bornant à afficher des « objectifs ». En France, pays où l’on a tout de même appris ce que ceux-ci deviennent parfois (qui a dit « réduction du déficit public » ?), l’on devrait savoir se montrer moins naïf.

En l’occurrence, les objectifs affichés par les deux dirigeants ont plutôt de quoi faire rire. Xi Jinping a annoncé qu’il stabiliserait les émissions chinoises à partir de 2030, laissant à l’Empire du Milieu le loisir de continuer encore un bout de temps sur sa foudroyante lancée.


Rappelons à ce propos que les émissions chinoises dépassent désormais celles de l’Europe qui sont, en gros, stationnaires. Le rythme de développement de la Chine étant ce qu’il est, il n’est pas déraisonnable de projeter que ses émissions pourraient dépasser allègrement l’ensemble des émissions actuelles des autres pays bien avant 2030.

Quant aux États-Unis, la réduction de leurs émissions est déjà enclenchée depuis quelques années. Non pas grâce à des efforts pour sauver la planète, mais en raison des mutations du bouquet énergétique américain (qui, précisons-le, n’ont pas grand chose à voir avec notre « transition énergétique »).

En gros, donc, la « victoire » que représente cet accord est la suivante : Barack Obama s’est engagé à ne pas changer grand chose pour les États-Unis, tandis que Xi Jinping reporte les efforts de son pays aux calendes grecques, date à laquelle le développement chinois sera alors tel que la Chine n’aura peut-être tout simplement plus besoin d’émettre davantage de gaz carbonique. On a les victoires qu’on peut.

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source : http://leplus.nouvelobs.com/

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